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Les princes de Condé et de Navarre représentaient pour l’Allemagne comme pour la France la cause même de la réforme. Le triomphe du duc d’Alençon tendait à reconstituer la féodalité sur la base de l’hérédité des gouvernemens provinciaux ; celui des princes de la maison de Bourbon impliquait pour l’avenir la séparation du royaume de la grande unité romaine.

Le peu d’accord des confédérés arracha la France à ce double péril. Les chefs du parti politique tinrent la campagne, qui fut terminée sitôt qu’une ample satisfaction eut été donnée à leurs prétentions individuelles aux dépens du trésor public. Après avoir, dans son manifeste, réclamé pour les protestans des conditions qui auraient fait passer entre leurs mains la souveraineté du royaume, le duc d’Alençon n’hésita pas à abandonner les réformés, et renonça, pour prix de quelques apanages, au rôle qui pouvait, selon Sully, en faire l’un des plus grands princes de la chrétienté.

Le jeune roi de Navarre ne voulut pas devenir la doublure du duc d’Alençon, et partager avec lui le mépris public. Séparé désormais par l’éclat de son abjuration du parti catholique, comprenant bien d’ailleurs que ce parti était pour jamais inféodé à la maison de Lorraine, il aima mieux rester le premier dans la faction la plus faible que de disputer une position secondaire au sein du parti le plus nombreux. Arraché aux molles influences qui dominaient sa vie, Henri de Béarn ne se sentit pas plus tôt entouré d’une noblesse pleine de courage, qu’il s’engagea dans une direction ferme et arrêtée. Les circonstances, à défaut de conviction, le firent chef du parti réformé, et de ce jour sa carrière publique commence. Retiré dans son gouvernement de Guyenne après la conclusion de la paix, il ne tarda pas à y déployer les qualités éminentes destinées à briller plus tard sur un plus vaste théâtre.

Les huit années qui s’écoulèrent depuis la fuite du roi de Navarre[1] jusqu’à la mort du duc d’Alençon, qui éleva Henri au rang d’héritier présomptif de la couronne de France, ne furent pas moins agitées que stériles. La paix et la guerre s’y mêlent et s’y succèdent au point de leur imprimer un caractère indéfinissable.

L’édit de Poitiers et les articles de Bergerac, les conférences de Nérac, de Pleix, de Mazères, des actes nombreux et des négociations éclatantes, témoignent du désir persévérant d’Henri III d’octroyer aux

  1. Ce prince quitta la cour le 1er février 1576, et le duc d’Alençon, alors duc Anjou, mourut le 10 juin 1584.