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du gentilhomme à la calme persévérance d’un esprit politique. Aussi quelle habileté ne le voit-on pas déployer ! à quels sacrifices ne le voit-on pas consentir pour rentrer dans les voies de sa politique naturelle, lorsque les passions des siens ou l’entraînement des circonstances l’ont obligé à en dévier momentanément ! La guerre provoquée par les menées de Marguerite de Valois, et connue sous le nom de guerre des amoureux, est à peine commencée, que Henri se prépare à négocier la paix, qu’il la provoque par ses démarches, et se montre aussi facile que son parti voudrait le voir exigeant. Plus tard, ce n’est qu’à la dernière extrémité, après la révocation de tous les édits accordés aux protestans, qu’il arme contre la cour pour résister à l’agression depuis long-temps préparée par la ligue.

C’est que si le tempérament du roi de Navarre l’entraînait à la guerre, l’intelligence de sa position le faisait constamment incliner vers la paix. Chef d’une minorité pleine de courage et en même temps d’illusions, ne parvenant à se maintenir contre la maison de Lorraine et contre la ligue que par le concours précaire du parti politique et l’assistance intéressée de l’étranger, Henri ne se flatta pas un seul jour d’amener le triomphe du parti qui avait uni ses destinées avec les siennes. Toute sa correspondance constate la réserve avec laquelle il s’expliquait en toute occasion sur la question religieuse ; elle prouve ses efforts persévérans pour détourner l’attention publique de sa situation particulière, et pour rejeter dans le vague les mesures qu’elle pourrait lui commander un jour.

Une lettre contraste cependant avec toutes celles où il est fait allusion à cet intérêt si délicat et si grave : c’est une réponse de Henri à son cousin le cardinal de Vendôme, qui l’engageait, avant la mort du duc d’Alençon, à se déclarer catholique pour faire tomber la barrière qui le séparait de la nation. Henri répond avec une émotion qui ne lui est pas habituelle à cette ouverture intempestive, risquée par un jeune homme de vingt et un ans. Sans anticiper sur les évènemens, et en s’en remettant à la Providence pour le cas, alors improbable, où elle l’appellerait à des devoirs nouveaux, il proteste que ses convictions religieuses sont sincères, indépendantes de tout motif humain, et déclare qu’il ne donnera jamais aux peuples le scandale de changer de religion comme de chemise, convaincu que les gens de bien l’aimeront trop rnieulx affectionnant une religion que n’en ayant pas du tout[1].

Une telle déclaration ne se reproduira plus dans ces termes affirmatifs

  1. Lettre au cardinal de Vendôme, archevêque de Rouen ; 6 mars 1583.