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REVUE DES DEUX MONDES.

Hercule avec transport courut à lui.

— Les autres sont-ils arrêtés ?

— Personne que toi.

— Ah ! tant mieux.

— Tant pis, mon ami. J’aimerais bien mieux que toute la bande fût prise et que tu fusses libre, car voilà une bien méchante affaire, mon pauvre Hercule.

— Qu’y veux-tu faire ?

— Voici, mon ami, ce que j’y veux faire, et, entre nous, je ne tente point cette démarche de ma seule autorité ; j’en ai dit quelques mots am commandant, qui ne veut pas qu’on le mette en scène, mais qui eie prête les mains. Tu sais bien qu’on s’attendait depuis long-temps à quelque levée royaliste. Malseigne était chargé de dépister le complot, et je ne comprends pas comment, sachant cela, tu as pu t’en mêler. La sottise est faite, mais la police ne sait rien de positif ; elle a tout lieu de craindre ; notre coup manqué de ce matin peut prouver aux chouans que nous sommes mal instruits, redoubler leur audace et hâter l’exécution. Dis ce que tu sais, et tu seras récompensé plutôt que puni.

Hercule baissa la tête, pesant en lui-même si les conjurés, à demi découverts, renonceraient à leur entreprise.

— Réponds vite, dit Simon, tu n’es plus lié avec ces gens-là. Quant à toi, on sait tout, on t’excuse : tu conspirais avec ton père ; encore un coup, personne n’est pris, il ne s’agit de sauver que toi.

— Mais, mon ami, lui dit Hercule avec un triste sourire, je ne conspirais pas. Une minute plus tard, on ne m’eût pas trouvé là. On allait me fusiller. C’est une histoire qu’il est inutile de dire, même à toi, mon ami.

Hercule lui prit la main affectueusement.

— Eh bien ! je te connais, s’écria vivement Simon, je te crois, mais donne tes raisons au conseil.

— Je ne le puis pas, dit Hercule pensif.

— Limoëlan, ne te conduis point en jeune homme. Tu as été la dupe de ces beaux sentimens dans l’affaire de Malseigne. D’ailleurs, c’est rendre service à l’armée, à tes camarades, c’est un devoir pour toi de toute façon.

— Mon ami, je te remercie, je réfléchirai.

— Cela veut dire que tu n’en feras rien ; mais songe que tu laisseras dans l’armée la réputation d’un traître.

— C’est là ce qui m’afflige, et je m’afflige aussi pour toi, Simon,