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LIMOËLAN.

parce que je sais que tu as un bon cœur, et que tes regrets sont sincères.

— Oui, mais j’en connais que ta mort réjouira ; car c’était un coup monté contre toi. Un homme de ta compagnie a servi d’espion ; on cherchait à te compromettre, le commandant m’a tout avoué. Le conseil va s’assembler ; songe à ce que je t’ai dit.

Il lui tendit la main en s’en allant, et le capitaine la lui serra de tout son cœur. Il entendit en effet que la troupe se rassemblait, et peu de minutes après quelques hommes de sa compagnie vinrent le prendre. Les officiers qui composaient la commission militaire s’étaient établis devant la porte du château ; la troupe était rangée sur les côtés. Des paysans qu’on ne pouvait chasser étaient accourus sur le bruit qui s’était répandu que c’était M. Hercule, le fils de M. le comte, qu’on allait juger. Malgré le profond silence qui régnait, je ne sais quelles marques trahirent l’intérêt et l’émotion de l’assemblée quand on vit Hercule paraître. Il regarda autour de lui, sourit à Simon, et s’arrêta devant le conseil. Les tambours battirent.

Après les questions d’usage sur l’âge et la qualité, le commandant Bescher, président, poursuivit brusquement :

— Vous êtes accusé d’avoir pris part à un complot ayant pour but de renverser le gouvernement, et par conséquent d’avoir doublement trahi la France et comme citoyen et comme officier.

Hercule rougit légèrement, et dit la tête haute :

— Commandant, je suis faussement accusé, je n’ai trahi personne.

— Vous avez quitté votre poste hier ?

— C’est de cela seul que je suis coupable.

— On vous a saisi ce matin dans une réunion de factieux ?

— J’étais là fort innocemment.

— C’est bien vrai ! s’écria Langevin, qu’on retenait comme témoin ; mais on le fit taire.

— Déclarez ce qui s’est passé là, dit le commandant.

— Commandant, c’est ce que je ne puis dire.

— Les faits parlent d’eux-mêmes ; vous n’avez qu’à vous justifier s’il est possible.

— Commandant, répliqua le capitaine d’un ton ferme, il est inutile de me presser.

— Limoëlan, s’écria le commandant avec impatience, c’est vous reconnaître coupable. L’arrêt n’est pas douteux, car vous êtes un traître.