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ACADEMIE FRANCAISE.




RECEPTION DE M. MERIMEE.




Voilà deux siècles bientôt que le bonhomme La Fontaine écrivait :

On ne peut contenter tout le monde et son père ;


il est probable que, dans deux autres siècles, la sentence ne sera pas moins banale qu’aujourd’hui, parce qu’elle ne sera pas moins vraie. L’unanimité ne s’obtient nulle part, et particulièrement dans les lettres. En politique, on en a vu qui se contentaient d’une majorité modeste ; en littérature, il est permis d’être plus humble encore, et de briguer de préférence les simples suffrages de la minorité. Benjamin Constant disait que d’ordinaire le bon droit est de ce dernier côté ; c’est un propos qu’on trouve exécrable quand on est ministre, et parfait quand on ne l’est plus. La politique a ses variations ; mais, dans les lettres, je tiens la maxime pour toujours excellente. On peut dire qu’en littérature l’aristocratie n’a cessé de maintenir son autorité, parce que, au lieu de privilèges, elle se trouve avoir des droits. Il n’y a de succès légitime que celui qui descend de la classe lettrée à la foule ; celui au contraire qui monte de bas en haut ne saurait être qu’un engouement passager. Là est la sanction de toute popularité