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Telles étaient donc les instructions qu’emportait M. M’Neill, soumis malgré lui, comme l’avait été M. Ellis, aux obligations officielles d’une entente cordiale avec les Russes. Sa seule tâche était d’empêcher sous main leurs progrès, et il savait bien que la mollesse inévitable de cette fausse résistance ne lui laissait plus aucun effet sérieux. Les choses étaient d’ailleurs trop avancées. La première expédition d’Hérat ayant manqué, l’orgueil et l’honneur de la Perse se trouvaient cette fois compromis, si l’on ne recommençait. Le comte Simonich continuait ses intrigues et encourageait les Persans à de nouveaux efforts. M. M’Neill, à peine arrivé, écrit aussitôt à lord Palmerston que le ministre russe presse le shah d’entreprendre une campagne d’hiver contre Hérat (septembre 1836). Lord Palmerston ne répond que pour ordonner à son envoyé la prudence et la discrétion ; aussi cette dépêche n’est-elle pas soumise avec les autres à l’enquête des chambres. On peut en deviner le sens par la réponse de M. M’Neill « Je continue, disait-il assez tristement, à m’observer et à m’abstenir (refrain) d’amener la discussion sur les affaires d’Hérat (24 février). »

Lord Palmerston voulait-il donc cette fois marcher directement à l’ennemi, et se réserver le soin de traiter avec qui de droit ce difficile sujet qu’il interdisait à son représentant. Ses dépêches de juin 1836 n’étaient-elles qu’une erreur et non pas une faiblesse ? Prétendait-il réellement servir de son côté la politique décidée dont il avait donné le signal en nommant M. M’Neill au poste qu’il occupait ? Il semble en effet qu’il prenne plus au sérieux les alarmes de M. M’Neill que celles de M. Ellis, et, sur le vu de sa lettre, il écrit par une sorte d’inspiration soudaine une dépêche des plus nettes à l’adresse du cabinet de Saint-Pétersbourg.


LORD PALMERSTON A LORD DURHAM


27 janvier 1837.

« J’ai l’honneur de prévenir votre excellence qu’elle ait à demander au comte Nesselrode si le comte Simonich agit en vertu de ses instructions. Au cas où votre excellence apprendrait que la conduite du ministre russe est conforme aux ordres de son gouvernement, elle aurait à représenter au cabinet de Saint-Pétersbourg que ces expéditions militaires du shah sont au plus haut degré malavisées et injustes, qu’elles le mènent à sa perte et causent la ruine de ses états. Il serait si contraire à tous les principes professés par le gouvernement russe de faire faire auprès du shah les instances dont un accuse le comte Simonich d’avoir poursuivi sa majesté persane, que l’on doit supposer que l’ambassadeur agissait sans instructions. S’il en est ainsi,