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l’ébranlement de la Perse, et comptait sur M. M’Neill pour faire savoir au cabinet de Londres les démarches de l’envoyé russe à Téhéran.

Malheureusement, au moment même où le ministre anglais transmettait au Foreign Office ces graves nouvelles, le ministre russe, averti sans doute à temps par son cabinet, écrivait, comme de lui-même, une dénégation formelle de tous les procédés qui lui étaient imputés. « Il avait employé, disait-il, les recommandations les plus pressantes pour arrêter l’expédition contre Hérat, et, si sa majesté persane se décidait à marcher cet été, elle n’irait pas trop loin. »

Le comte Nesselrode envoie aussitôt cette dépêche de commande à lord Palmerston, et celui-ci, toujours prêt à se contenter sans trop d’exigences, ne trouve pas de meilleur argument contre les alarmes de M. M’Neill que de lui transmettre la lettre du comte Simonich. Il répondait ainsi aux faits attestés par son ambassadeur à la date du 1er juin, mais il feignait de ne pas avoir en même temps sous les yeux les témoignages qui les avaient confirmés deux jours après. Le recueil officiel porte la trace de cette confusion volontaire. Voici donc tout ce que lord Palmerston a d’essentiel à dire le 4 août 1837, après avoir reçu près de quatorze dépêches en moins d’un an :


« J’ai reçu votre correspondance jusqu’à la date du 3 juin, et je l’ai mise sous les yeux de la reine. Vous verrez par la lettre du comte Simonich au comte Nesselrode, dont vous avez ici une copie incluse, que le ministre russe certifie à son gouvernement qu’il avait déjà pressé le shah d’abandonner au moins pour le moment son expédition contre Hérat. »


Le comte Simonich écrivait ces lignes trompeuses le 28 mai, deux jours avant celui où M. M’Neill écrivait de son côté le récit des intrigues qui donnaient à l’agent russe un démenti si formel, et lord Palmerston n’avait pas plus tôt envoyé ces fausses assurances de paix à son ministre en Perse, qu’il recevait une nouvelle lettre où celui-ci lui apprenait que le comte Simonich jetait enfin le masque, réclamait hautement la guerre, et tantôt prétendant agir en son propre nom, se vantait de désobéir aux ordres de son gouvernement, tantôt avouait les avoir seulement un peu dépassés en poussant aux armes un prince qu’on lui avait commandé du moins de n’en pas détourner.

L’aveu était complet, digne du sang-froid moqueur de la diplomatie russe ; la trahison évidente jusqu’à l’impudence. Lord Palmerston n’avait plus de biais à prendre, et, s’il ne se taisait, il fallait en venir à des paroles décisives : il se tut. Le comte Simonich garda son poste, et l’Angleterre conserva vis-à-vis de la Russie le statu quo dans lequel la