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de Saint-Pétersbourg voie dans ces communications une preuve nouvelle de l’anxiété avec laquelle on maintient sans altération (un inapaired) les relations amicales qui subsistent si heureusement entre les deux pays, et auxquelles nous attachons une si juste et si grande valeur ; des explications demandées avec franchise et dans un esprit de paix écartent les mésintelligences et conservent la bonne harmonie entre les peuples. »

Que disait maintenant le gouvernement russe au moment même où il allait recevoir cette dépêche, à laquelle il était ainsi censé répondre d’avance ? Si à toute force on voulait voir une réponse dans cette lettre équivoque, c’était bien la plus ironique et la plus vaine que pût fournir le langage de la diplomatie.


20 octobre 1838.

LE COMTE NESSELRODE AU COMTE POZZO DI BORGO

« L’empereur a lu avec une sérieuse attention les dépêches de votre excellence, qui lui rendaient compte des deux entrevues dans lesquelles lord Palmerston, parlant de la situation présente des affaires de Perse, a manifesté les appréhensions données au gouvernement de la compagnie des Indes par l’expédition du shah contre Hérat. À cette occasion, le principal secrétaire d’état de sa majesté britannique pour les relations étrangères ne vous a pas caché qu’en Angleterre l’opinion publique attribuait à l’influence russe une part décisive dans les évènemens qui se passent maintenant en Perse, et imputait à notre cabinet des intentions dangereuses pour les établissemens de l’Inde. Ces considérations sont trop sérieuses et pourraient avoir un effet trop fâcheux sur toutes nos relations avec la Grande-Bretagne pour que nous n’hésitions pas un seul instant à prévenir les craintes par des explications franches et spontanées. »


Qu’était-ce donc que cette explication si honnêtement annoncée ? La chose la moins rassurante du monde.


« La politique de l’empereur en Orient est guidée par les mêmes principes qui la dirigent en Europe. Éloignée de toute idée d’envahissement, cette politique n’a pour objet que le maintien des droits de la Russie et le respect des droits légitimement acquis par les autres puissances. La pensée de troubler seulement la tranquillité des possessions anglaises dans l’Inde ne s’est jamais présentée à l’esprit de notre auguste maître. Il ne désire que le juste et le possible. »


Quel était donc celui qui, avec toutes les réserves du style de la diplomatie, étalait encore une vertu si pédantesque ? C’était le prince qui avait anéanti la Pologne, démembré la Turquie, dépouillé la Suède, divisé l’Allemagne. Et il parlait de justice ! et il osait dire encore :