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l’exercice public du culte octroyé aux protestans par les édits ; l’autre n’était connu que d’un petit nombre d’adeptes : il s’agissait de préparer les esprits à un changement de dynastie, et de provoquer un vaste bouleversement au profit commun d’une maison ambitieuse et d’un cabinet étranger. Dans toutes les révolutions, la loyale sincérité des masses est exploitée par un intérêt embusqué derrière elles, et le complot grandit à couvert derrière l’irritation publique. La ligue subit l’effet de cette loi à peu près générale, ce qui ne l’empêcha pas d’être un mouvement aussi spontané que naïvement honnête.

A l’organisation de la noblesse protestante consacrée par les édits, au système des places de sûreté, des contributions volontaires et des réunions synodales, la bourgeoisie catholique avait répondu en formant autour de chefs de sa confiance et de son choix une organisation analogue. Les faiblesses et les oscillations du pouvoir, depuis vingt ans, avaient séparé du gouvernement l’opinion publique, qui, sentant sa puissance, était prête à en abuser. Lassés de voir les intérêts les plus sacrés à leurs yeux subordonnés aux froids calculs d’une reine sans conviction et aux mobiles caprices d’un prince dégradé, les catholiques avaient puisé l’esprit de résistance dans l’énergie de leurs mœurs et de leur foi. Bientôt l’idée d’un grand pouvoir à constituer, d’une haute influence municipale à conquérir, était venue ajouter les vagues enivremens de la liberté à l’ardeur des inspirations religieuses, et l’on avait vu se déployer le vaste mouvement populaire dans toute la hauteur de sa puissance et de son audace.

Dès le règne de Charles IX, des unions provinciales s’étaient formées en Languedoc, en Picardie, en Bretagne, dans l’Anjou, dans la Provence. Les gentilshommes s’engageaient sur leur honneur et l’épée de leurs ancêtres, les bourgeois, sur leur salut et les saintes reliques de la paroisse, à équiper un certain nombre d’hommes d’armes, à payer une contribution volontaire, à faire service de leur personne ou de leur bourse pour aider le roi à combattre l’hérésie. Le but avoué de ces associations, le seul qui fût alors sérieux, était de rétablir l’exercice exclusif de la religion romaine dans toute l’étendue du royaume.

C’était surtout au milieu de la bourgeoisie de Paris, dans les parloirs aux marchands et les grandes salles de l’hôtel de Grève, que les magistrats populaires devisaient ensemble et se concertaient pour faire tête à l’hérésie et l’extirper du sol de la France. La noblesse provinciale, qui constituait la force du parti réformé, était sans action dans Paris, où le clergé, le parlement et surtout l’université exerçaient