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qui trop souvent ne peut être qu’un soldat parvenu, à l’état de siège qui depuis 1825 pèse sur la colonie, une administration libérale, intelligente, conforme, en un mot, aux principes qui maintenant régissent la métropole. N’est-ce point une chose inconcevable que, sous le régime constitutionnel, les domaines américains de la monarchie espagnole soient plus durement traités que sous Charles IV lui-même ? Pour son compte, l’île de Cuba demande qu’un ministère soit créé qui, sous le nom de ministère d’outre-mer, s’occupe spécialement des affaires coloniales, et, assurément, c’est assez des possessions que l’Espagne a conservées dans les quatre parties du monde pour former un vaste département. Elle demande que la nouvelle constitution lui rende la représentation directe aux cortès, que lui a ôtée la charte de 1837 ; elle demande qu’un conseil colonial soit fondé, semblable aux conseils des colonies françaises, lequel pourrait concourir avec le capitaine-général à l’administration de l’île, abandonnant à ce dernier le gouvernement politique, le commandement absolu des forces militaires, toutes les attributions enfin qui garantissent à la Péninsule la conservation de sa colonie. Cette requête des colons de Cuba, nous ne concevons point qu’à l’époque où nous sommes, l’Espagne la puisse repousser. Telle est la cause que M. Saco s’est chargé de plaider, aujourd’hui que l’Espagne semble enfin se départir d’une insouciance qui menaçait de passer à l’état chronique. S’il est vrai que le bon sens, la justice, aient leur jour en Espagne, cette cause est gagnée déjà auprès du gouvernement de Madrid.


II

L’œuvre de M. Saco se peut diviser en deux parties bien distinctes dans la première, M. Saco prouve, de la façon la plus péremptoire, que la nature du travail dans les plantations, le climat des Antilles, le salaire exigé par les ouvriers libres, ne peuvent plus être un prétexte pour continuer la traite, ni un obstacle pour la colonisation européenne ; il prouve que, depuis l’abolition du trafic des nègres, la culture du sucre a donné aux Antilles françaises et anglaises de plus considérables produits, que si en certains pays ces produits ont essuyé une diminution sensible, la diminution a été partout ailleurs compensée, et bien au-delà, par les progrès du commerce et de l’industrie. Dans la seconde partie, M. Saco s’attache à démontrer qu’en tout état de cause, l’Espagne ne doit point hésiter le soins du monde à supprimer la traite, si elle tient à conserver sa colonie la plus précieuse :