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et le ministère Coletti-Metaxas constitué, les élémens de la majorité se trouvaient complètement changés. A vrai dire, la majorité nouvelle n’était autre que l’ancienne minorité papi-autochtone à laquelle s’étaient ralliés, d’une part, les amis de M. Coletti, de l’autre, ceux qui n’avaient pu suivre dans toutes ses fautes le ministère Maurocordato. A la juger par son chiffre, cette majorité était considérable, plus de deux contre un. A l’examiner dans ses élémens, elle était incertaine et difficile à maintenir. Or la première question qui se présentait, celle de la vérification des pouvoirs, était précisément la plus propre à en faire ressortir toute la fragilité.

Voici comment se présentait cette question. Les élections, en général, passaient pour fort irrégulières : ici des électeurs qu’on avait empêchés d’aller voter ou fait voter contre leur gré au moyen du sabre et du bâton ; là des décorations données à profusion dans l’intérêt patent de telle ou telle candidature ; ailleurs des urnes soustraites ou faussées ; partout des rixes, des violences, du désordre. Plusieurs gouverneurs enfin n’avaient rien trouvé de mieux que de proclamer à la fois les candidats opposés, de sorte qu’il y avait dans plusieurs collèges deux députés pour chaque place. En présence de telles irrégularités, on pouvait prendre deux partis, celui d’une grande sévérité ou celui d’une grande indulgence. Dans le premier système, les annulations devaient être sans terme ; dans le second, on faisait quelques exemples, et on passait l’éponge sur le reste.

On comprend facilement qui, dans la majorité nouvelle, adopta le premier de ces deux partis et qui se rallia au second. Les colettistes avaient, dans la dernière assemblée, fait cause commune avec les maurocordatistes. Ils craignaient les tendances exagérées et réactionnaires des napi-autochtones. Ils devaient donc pencher vers l’opinion la plus conciliante. Les napi-autochtones, au contraire, avaient une année entière de défaite à venger ; ils soupçonnaient que les colettistes et les maurocordatistes pourraient bien quelque jour songer à se réunir. L’opinion la plus vive était donc celle qui leur convenait le mieux. Quant au ministère, embarrassé sans doute entre ses amis divers, il déclarait que les élections lui ayant été étrangères, il n’avait point à s’en occuper. C’était une affaire de chambre, que la chambre devait vider seule.

C’est dans ces circonstances qu’après quelques escarmouches la chambre décida que toutes les élections seraient renvoyées à une commission composée de quatre Péloponnésiens, de trois Grecs continentaux et de deux insulaires. C’était un acte capital et qui allait