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pas se rallier et revenir au combat, car ils n’ont pas même de mots pour s’entendre et rétablir l’ordre. Ils n’ont qu’une seule action, celle de la première impulsion. Quand ils échouent, et ils doivent toujours échouer devant votre ordre et votre fermeté, il faudrait un dieu pour les rallier et les ramener au combat. Ne les comptez donc pas ; il est absolument indifférent d’en combattre 40 mille ou 10 mille, pourvu que vous ne les jugiez pas par vos yeux, mais bien par votre raisonnement, qui vous fait comprendre leur faiblesse. Pénétrez au milieu de cette multitude, vous la fendrez comme un vaisseau fend les ondes, frappez et marchez sans regarder derrière vous : c’est la forêt enchantée ; tout disparaîtra avec une facilité qui vous étonnera vous-mêmes. »

Ces grandes vérités, répétées plusieurs fois sous diverses formes et avec de nouveaux développemens, portèrent la conviction dans tous les esprits. Il n’était pas un soldat qui ne crût à une victoire certaine. La seule crainte qui existât, c’est que les Marocains ne voulussent pas accepter la bataille.

Le général en chef ne se borna pas à préparer les ames et les esprits, il fit répéter, toutes les armes réunies, la manœuvre qu’il avait adoptée pour combattre la nombreuse cavalerie marocaine. C’était un grand carré formé d’autant de petits carrés que nous avions de bataillons. L’ambulance, les bagages, le troupeau, étaient au centre, ainsi que la cavalerie, formée en deux colonnes sur chaque côté du convoi. L’artillerie était distribuée sur les quatre faces, vis-à-vis des intervalles des bataillons qui étaient de 120 pas. On devait marcher à l’ennemi par l’un des angles formé par un bataillon qui était celui de direction. La moitié des autres bataillons était échelonnée à droite et à gauche sur celui-ci. L’autre moitié des bataillons formait la même figure, renversée en arrière. C’était donc un grand lozange, fait avec des colonnes à demi-distance par bataillon, prêtes à former le carré. Derrière le bataillon de direction se trouvaient deux bataillons en réserve, et ne faisant pas partie du système, c’est-à-dire pouvant être détachés pour agir selon les circonstances.

Les avantages que cette disposition a sur les grands carrés à face continue seront évidens pour les hommes de l’art.

1° Ce grand losange marche avec autant de légèreté qu’un seul bataillon, car chaque bataillon n’a qu’à observer sa distance avec le bataillon qui précède.

2° Et, c’est là le point important, chaque bataillon est indépendant de son voisin qu’il protégé, et dont il reçoit protection par le croisement