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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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28 février 1845.


Le ministère n’est pas renversé, mais la question ministérielle est jugée. Le cabinet du 29 octobre a eu douze voix de majorité absolue dans les fonds secrets. Il a obtenu ces douze voix après avoir employé les destitutions, les menaces, les séductions, les sollicitations de toute sorte. Des membres du parti légitimiste et de l’extrême gauche ont voté pour lui. Des conservateurs lui ont donné leurs boules sans lui donner leur confiance. Ils auraient voulu que le ministère tombât sans être frappé par eux, et ils gémissent aujourd’hui de leurs scrupules. Telle est la majorité dont le suffrage est invoqué par le cabinet. Elle peut lui servir de prétexte pour garder le pouvoir, mais elle ne lui donne pas la force suffisante pour l’exercer. Le terme de sa carrière est désormais fixé. Il porte en lui le sentiment de sa chute. Cependant il essaie encore de dissimuler sa faiblesse en prenant un langage fier et résolu. La partie est gagnée, dit-il ; nous sommes les maîtres du terrain ; maintenant gouvernons. Que le ministère gouverne donc, s’il le peut ; qu’il mette en pratique la théorie nouvelle de M. Guizot sur les petites majorités. Jamais doctrine ne fut mieux imaginée pour la circonstance. Qu’on nous montre par quel secret plus un ministère est faible dans la chambre, plus il acquiert de force dans le pays et devant l’Europe. Nous avions cru jusqu’ici qu’une forte majorité était nécessaire pour tranquilliser les esprits, surtout à la veille d’une crise électorale. Nous avions pensé qu’une majorité nombreuse était nécessaire pour donner du poids aux décisions des chambres, pour assurer la marche des affaires, pour élever le pouvoir au-dessus des passions et des intrigues, pour le faire respecter au dehors, pour lui inspirer partout des résolutions fermes et dignes. Le ministère du 29 octobre va nous convaincre de notre erreur ; il va prouver qu’on peut gouverner grandement, utilement,