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et que la chambre tout entière se soit prononcée contre lui. Peu importe que M. Damiano, député d’Hydra et maurocordatiste zélé, ait voulu en vain empêcher la chambre de complimenter le roi à son retour de l’Eubée. Peu importe que le général Grivas et M. Boudouris, autre député d’Hydra, se soient querellés avec une rare violence au sujet d’un témoin que le premier avait irrégulièrement introduit dans la chambre. L’annulation de l’élection de M. Antoniades rédacteur très distingué de la Minerve et député des Crétois, a plus de gravité parce qu’on peut y voir un nouveau symptôme de l’esprit autochtone. La loi électorale donne le droit de se faire représenter à toute colonie hellénique qui compte un certain nombre d’habitans. Or, la colonie crétoise de Minoa, près Nauplie, paraissait réunir les conditions légales. A l’aide d’une interprétation rigoureuse, on l’a dépossédée de son droit, rétrécissant ainsi le cercle au lieu de l’élargir. Ce n’est peut-être pas absolument une injustice, puisqu’il y avait doute, mais c’est une faute politique.

Je viens de dire franchement à la majorité de la chambre, au ministère lui-même, ce qu’il me semble de leur conduite pendant les trois premiers mois de la session. Je viens d’exprimer le regret que m’ont fait éprouver des actes que rien ne justifie ; mais je me hâte d’ajouter que le mal n’est pas irréparable, et qu’une fois la chambre constituée, la majorité peut, par une bonne et sage attitude, sinon réparer ses injustices, du moins les faire oublier. A cet égard, les lettres que j’ai reçues ou qui m’ont été communiquées sont tout-à-fait contradictoires. Selon les uns, la majorité est désormais frappée d’impuissance et incapable de revenir sur ses pas ; selon les autres, ces trois mois de débats tumultueux et de décisions violentes ont eu au moins l’avantage d’assouvir les rancunes personnelles, d’épuiser les mauvaises passions, et de donner aux esprits troublés par la dernière lutte le temps de s’éclaircir et de se calmer. Quittant les allures révolutionnaires, la chambre va donc rentrer dans les voies légales et prêter au cabinet un concours efficace. Entre ces deux avis, vous comprenez que je choisis le dernier. Voici d’ailleurs, d’après des renseignemens que je crois exacts, quelle est aujourd’hui la situation de la chambre : les maurocordatistes, qui comptaient 25 voix, n’en comptent plus que 10 ou 12. Les napi-autochtones, au contraire, sont numériquement plus forts qu’au début, et en les supposant aussi unis, aussi compacts, pourraient peut-être à eux seuls disposer de la majorité ; mais heureusement pour la cause constitutionnelle, heureusement pour le ministère, le parti napi-autochtone n’est plus ce qu’il était.