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morne, éternelle, punit alors cruellement celles qui dans leur jeunesse ont oublié d’être mères.

L’influence de telles sociétés charitables balancerait d’abord l’action malfaisante des sages-femmes ; elle ne tarderait pas à la dominer. Il est bien entendu que ces fonctions seraient purement honorifiques. A Paris surtout, on trouvera dans chaque quartier des mains blanches et oisives, toujours prêtes à s’entremettre dans une œuvre de bienfaisance. Le grand mal quand on donnerait au soulagement des peines les plus graves quelques-unes de ces heures dorées qui s’éteignent çà et là dans l’ennui d’un salon ou d’un boudoir ! Il ne faut pas que les filles-mères se sentent abandonnées ; chacune de ces malheureuses, reconnaissant qu’elle a sur elle les yeux de la société qui applaudit à ses efforts, à ses pénibles devoirs, à ses sacrifices, trouvera dans cette surveillance même un noble motif d’émulation, qui soutiendra son courage défaillant. N’oublions pas que sa tache est rude et ingrate. Les travaux de la maternité, déjà si écrasans pour la femme mariée dans les classes ouvrières, le sont bien davantage pour la fille isolée. Le mépris, d’autant plus dur qu’il est plus aveugle, habite précisément les régions basses de la société. Il faut être éclairé pour être bienveillant. Les gens du peuple ne comprennent rien à la vertu repentante, ni à une faute rachetée ; il est donc nécessaire que le baume et le pardon viennent de plus haut. Nous aimerions mieux voir aussi les secours d’argent passer par les mains de ces sociétés maternelles que par les mains de l’administration. Les plus faibles d’entre les faibles, celles qui ont aimé, n’en comprendront que mieux les rougeurs de l’amour facile et puni. Rien ne s’oppose, comme on voit, à introduire dans le service des enfans trouvés un ministère nouveau, le ministère des femmes du monde. Qu’on ne s’effraie pas de telles fonctions, moins faites pour exalter les vues ambitieuses d’un sexe timide que pour contenter son cœur. Il ne s’agit pas d’appeler les femmes du monde au maniement d’affaires administratives, mais d’envoyer au lit de la fille du peuple, après le grand désastre de l’honneur naufragé, une chaste colombe qui lui rapporte le rameau vert de l’espérance.

Les secours combattront le besoin ; les sociétés maternelles éloigneront les mauvais conseils et les résolutions funestes. Il reste encore un obstacle à vaincre, c’est l’embarras que cause à une ouvrière allant en journée la présence d’un enfant qui vient de naître. Une institution s’élève à Paris pour détruire cet inconvénient : nous avons nommé les crèches. Le premier essai de ce genre a été fait dans le quartier des