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et par conséquent normale ; mais la marine française n’en a profité en rien, au moins dans la navigation de concurrence. Loin de là, elle a pris dans le commerce une part de moins en moins active, puisque son tonnage est tombé du chiffre de 939,000 tonneaux, où il était en 1839, à celui de 771,000 en 1844. La navigation étrangère s’est élevée, au contraire, dans le même temps, du chiffre de 1,587,000 tonneaux à celui de 2,032,000. C’est donc à elle seule que l’accroissement du commerce a profité. Quant à l’augmentation de notre navigation réservée, outre qu’elle nous coûte assez cher, elle n’offre qu’un bien faible dédommagement pour de si grandes pertes.

Vainement, pour relever notre marine marchande de cet extraordinaire abaissement, le gouvernement lui réservera-t-il le privilège exclusif du transport des charbons pour ses bateaux à vapeur et du tabac pour ses fabriques. Vainement augmenterait-il encore la somme déjà si forte des primes qu’il accorde pour la pêche. Ce sont là de bien faibles palliatifs pour un grand mal. Toutes ces charges imposées à l’état, après tant d’autres supportées par le commerce, ne peuvent qu’étendre outre mesure, au prix des plus lourds sacrifices, la navigation réservée, qui sera toujours, quoi qu’on fasse, bien restreinte et bien chétive. Elles ne rendront pas à notre marine une part plus grande dans la navigation de concurrence, la seule qui soit susceptible d’un accroissement notable, la seule peut-être qui soit digne de considération, parce qu’elle ne fait pas acheter trop cher les services qu’elle rend.


Nous avons vu que le commerce extérieur de la France s’accroît tous les ans : c’est le résultat naturel et nécessaire du travail incessant auquel une active population se livre, et de la paix féconde dont toute l’Europe jouit. Il s’en faut bien cependant que ce commerce réponde aux besoins d’un pays tel que le nôtre. Avec son immense population, avec les ressources si variées et si riches de son industrie et de son territoire, la France devrait aspirer dès à présent à égaler, sinon à surpasser tous les pays du monde ; car quel autre réunit à un plus haut degré dans son sein tous les élémens de la grandeur ? Au lieu de cela, elle reste fort loin des États-Unis et de l’Angleterre, les seuls pays auxquels on doive actuellement la comparer, et les progrès qu’elle fait, bien que réels et sensibles, ne sont pas assez grands pour diminuer l’avance qu’ils ont sur elle.

Notre commerce extérieur est en outre mal ordonné dans son ensemble.