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développée et sous ce titre : De la Féodalité, des Institutions de saint Louis et de l’Influence de la Législation de ce prince, indiquait déjà tout l’avenir qu’on pouvait attendre de M. Mignet, comme historien philosophe et comme écrivain.

M. Daunou, qui en rendit compte dans le Journal des Savans (mai 1822), reconnaissait que les vues, par lesquelles l’auteur avait étendu son sujet et en avait éclairci les préliminaires, « supposaient une étude profonde de l’histoire de France ; » il trouvait que l’ouvrage « se recommandait moins par l’exactitude rigoureuse des détails que par l’importance et la justesse des considérations générales ; » - mais il insistait sur cette importance des résultats généraux, et notait « la profondeur et quelquefois fa hardiesse des pensées, la précision et souvent l’énergie du style. » Nous aimons à reproduire les propres paroles du plus scrupuleux des critiques, de celui qui, en rédigeant ses jugemens, en pesait le plus chaque mot. Dom Brial aussi, le dernier des bénédictins, s’était montré, au sein de l’Institut, l’un des plus favorables à un travail où la nouveauté du talent rehaussait, sans la compromettre, la solidité.

M. Mignet, par ce premier et remarquable essai, déclarait hautement sa vocation naturelle et en même temps le procédé le plus habituel de son esprit. L’étude particulière sur saint Louis et ses institutions n’était pour lui qu’une occasion de traverser et de repasser dans toute son étendue l’histoire de France, de la ranger et de la coordonner par rapport à ce grand règne. D’autres auraient pu croire qu’il suffisait, en commençant, d’exposer la situation du royaume, l’état de l’administration, le système des lois politiques, civiles et pénales, au moment où saint Louis arriva au trône ; l’Académie n’en demandait pas davantage ; mais l’esprit du jeune écrivain était plus exigeant : de bonne heure attentif à remonter aux causes, à suivre les conséquences, à ne jamais perdre de vue l’enchaînement, il se dit que l’influence et la gloire de saint Louis consistaient surtout dans l’abaissement et la subordination du régime féodal, et il rechercha dés-lors quel était ce gouvernement féodal dans ses origines et ses principes, comment il s’était établi, accru, et par quels degrés, ayant atteint son plus grand développement, il approchait du terme marqué pour sa décadence. Au point de vue élevé où il se plaçait, et dans le regard sommaire sous lequel il embrassait et resserrait une longue suite d’évènemens, il arrivait à y saisir les points fixes, les nœuds essentiels, les lois, et déjà il laissait échapper de ces mots, de ces maximes chez lui familières et fondamentales, qui exprimaient ce qu’on a pu appeler