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doute, car beaucoup de modestie est au nombre des qualités les plus attachantes de M. d’Estourmel ; mais, à sa place, nous recherchâmes religieusement ces traces glorieuses : la vanité est excusable pour un ami. Elle le serait du moins si quelque chose de petit pouvait tenir sur ce théâtre où les scènes les plus décisives pour les destinées humaines ont été rassemblées par la Providence dans une longue série de siècles semblables l’un à l’autre en ce point-là seul, où les moindres accidens du sol ont acquis des pas qui les ont foulés, des mains qui les ont modifiés, une importance sans égale ; lieu dont la simple mention fait battre le cœur et baisser la paupière aux fidèles des trois grandes législations religieuses, d’une extrémité à l’autre de l’univers. Nous parlions tout à l’heure de pèlerins engagés dans le voyage d’Orient : c’est un titre dont M. d’Estourmel se montre digne par la sincérité de sa vénération, par l’empressement infatigable de ses recherches. La description de Jérusalem remplit cent cinquante pages de ses deux volumes. Aucun des chroniqueurs de Godefroy ne l’emporte sur notre contemporain par la franchise des impressions, par la fidélité des peintures ; mais, bien qu’ému dans toutes les profondeurs d’une nature affectueuse et croyante, le voyageur garde partout l’aplomb de son observation, la justesse de son coup d’œil, l’ordre méthodique de ses idées. Le morceau suivant, que nous choisissons presque au hasard entre beaucoup d’autres dont l’intention est la même, résume d’une manière très caractéristique cette réunion dans M. d’Estourmel de deux hommes avec lesquels on éprouve à s’entendre un plaisir également facile, également pur.

« Une fois pour toutes, je m’expliquerai sur ce que j’entends par ces expressions : les mêmes lieux, la même demeure ; ce qui ne peut jamais vouloir signifier que le même emplacement. Il ne reste pas pierre sur pierre du temple, la cité juive a été ruinée de fond en comble ; les prophéties n’ont été que trop bien accomplies, et à chaque pas on peut dire ici : Consummatum est. Si donc ailleurs les ames pieuses se font un scrupule de douter, à Jérusalem c’est au contraire la foi qu’on accorderait sans examen à certains récits et à certains monumens, qui serait de nature à troubler les consciences, puisque cette foi aveugle se trouverait en contradiction avec ce qui a été prédit par Jésus-Christ lui-même. Nous avions avec nous un missionnaire espagnol d’une imagination très vive, dont la société me fut utile, parce qu’il savait le français et connaissait bien les localités. Le digne père Casto aurait vu de ses yeux le Sauveur couronné d’épines à la petite fenêtre de l’arcade à laquelle on donne le nom d'ecce homo ; qu’il n’aurait