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ont promis de quitter au nombre de plusieurs milliers leurs cantonnemens de la mer Noire, pour se joindre à l’insurrection. On a même annoncé l’occupation, au nom du gouvernement révolutionnaire, du chef-lieu de la Volhynie par un régiment malo-russe insurgé. Ce qui est hors de doute, c’est l’extrême fermentation qui règne dans toutes les campagnes de la petite Russie. Les persécutions contre les prêtres grecs-unis, et surtout les infamies commises contre les religieuses basiliennes, ont excité l’horreur des prêtres schismatiques eux-mêmes. En vain le cabinet de Pétersbourg a nié, dans une note officielle, les faits relatifs au couvent de Minsk. En supposant même que ces faits aient été exagérés, sont-ils autre chose qu’un épisode dans l’horrible drame des persécutions religieuses dont la petite Russie est depuis quinze ans le théâtre ? Ces faits ont fini par exciter le dégoût de ceux même qui devaient en profiter. Des lettres arrivées de ces provinces assurent qu’on y a vu dans les émeutes populaires les popes schismatiques bénir les soldats polonais, et, dans les mêmes églises, les croix grecques se confondre avec la croix des latins, aux cris d’union et de fraternité entre tous les enfans du Christ.

Si les Polonais et les Malo-Russes, s’accordant mutuellement le pardon des injures passées, pouvaient se confier les uns aux autres, si ces deux peuples, qui représentent au plus haut point dans le monde slave les principes les plus opposés du latinisme et de l’hellénisme, parvenaient à renouer le lien qui les unit durant tant de siècles, alors la Pologne résisterait, attaquée même par toutes les forces des trois puissances, car les Polonais et les Malo-Russes forment ensemble vingt-cinq millions d’hommes des plus belliqueux de l’Europe. Aussi est-ce en vue de cette confédération qu’avait été organisée la conspiration des panslavistes polonais. Malheureusement une ardeur intempestive a poussé les insurgés à proclamer d’abord le rétablissement de l’ancien royaume de Pologne avant d’avoir déclaré la fédération slave, et d’en avoir fait connaître les conditions. Il ne paraît pas possible d’expliquer autrement la lenteur des Bohèmes, des Hongrois et des Malo-Russes à prendre part au mouvement. L’image de l’ancien royaume de Pologne proclamé intégralement et sans aucune modification de territoire aurait bien pu refroidir le zèle des autres patriotes slaves, qui ont plus d’une fois accusé la Pologne de prétendre à les absorber.

Cependant la jeunesse bohème a donné plus d’une preuve non équivoque de sa participation au mouvement polonais. Le lion de Bohême a été publiquement exposé à Prague à la place de l’aigle autrichienne,