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retournerait à la compagnie, selon la loi ; la maladie de ce dernier prince d’une dynastie sans postérité réveillerait-elle la cupidité des directeurs ? Telles étaient les questions qu’il proposait à l’assemblée ; dans cette même séance du 8 février 1843, M. Sullivan prit la parole pour soutenir une motion ainsi conçue : « Après un mûr et attentif examen de toutes les circonstances de l’affaire du raja de Sattara, cette cour est d’avis que la justice, non moins que le caractère du gouvernement britannique dans l’Inde, requiert, ou que le susdit raja soit replacé sur le trône, ou qu’une complète et impartiale enquête soit faite sur toute la marche de ce procès[1].

L’opinion de M. Sullivan avait un grand poids : membre du conseil de Madras vers cette époque, il savait qu’une conspiration avait été ourdie contre le gouvernement britannique par plusieurs rajas, et, quand le nom de Pertaub-Sing fut prononcé avec celui des princes rebelles, il ne douta pas un instant que le chef mahratte n’eût trempé dans ce complot. Telle fut la première impression de M. Sullivan, jusqu’à ce que les dénonciations faites devant la cour des propriétaires lui eussent ouvert les yeux. Il n’hésita pas à changer d’idée, à revenir sur des préventions assez fondées, et, après avoir été accusateur tacite de l’ex-raja, il se fit hautement son défenseur.

Vous le voyez, de ces documens il résulte qu’il y a eu illégalité flagrante dans la procédure, et que la commission se refuse obstinément à réviser l’affaire, c’est-à-dire à se disculper de la terrible accusation qui pèse sur elle. Les divers plaidoyers en faveur de Pertaub-Sing montrent clairement le côté faible de la question. Les accusateurs de M. Ovans ne peuvent avoir aucun intérêt à diffamer un de leurs concitoyens, à prendre en mains le parti d’un petit prince détrôné ; mais ils s’obstinent d’autant plus dans leurs attaques parfois très violentes, que le mauvais vouloir de la cour des propriétaires se manifeste plus sensiblement. Ainsi, à la séance trimestrielle du mois de septembre, la cour des directeurs tenta d’interdire l’entrée de la salle aux étrangers, et de repousser de son sein les petits actionnaires de la compagnie. Il s’éleva de si énergiques réclamations contre cette mesure aristocratique, qu’on revint sur la première décision, et, dans cette même séance, M. Thompson put élever la voix, au sujet du raja, devant un auditoire moins intéressé à repousser sa motion. Dans une réunion spéciale de directeurs, où il s’agissait de délibérer sur cette question toujours pendante, il y eut usurpation de fauteuil par un des membres, dispute entre le président et celui qui occupait sa place par surprise, enfin désordre complet, si bien que la chose fit du bruit, et la noble cour, déjà accusée d’une partialité évidente, compromit sa dignité. Mais un fait plus grave pour l’honneur de cette cour, c’est que, sur quarante-six votans, quinze seulement, le tiers à peine, ont soutenu la cause du raja ; vingt-et-un membres ont déclaré qu’il n’y avait pas lieu à s’occuper davantage de cette affaire, qui entraînait avec elle de graves

  1. Speech of M. John Sullivan, in the court of proprietors at the East-India-House, on the 8 of february 1843.