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anglais, pour décider la France à concéder le droit de visite réciproque, s’attache à démontrer que, le gouvernement français demeurant étranger à tout système de droit de visite conventionnel, la croisière française établie sur la côte d’Afrique pour la répression de la traite des nègres sera entièrement inefficace, même à l’égard des navires français, parce qu’ils échapperont à la surveillance en hissant un pavillon étranger, sous lequel il deviendra impossible de les découvrir, à moins d’y être autorisé par des traités spéciaux.

Au congrès de Vérone, le duc de Wellington, dans le mémoire adressé le 24 novembre 1822 aux plénipotentiaires des autres états, déclara que l’inefficacité de la police maritime exercée par l’Angleterre pour la répression de la traite des noirs tenait à la facilité avec laquelle les navires négriers échappaient à la poursuite des croiseurs britanniques en arborant le pavillon français, et il fondait, sur la nécessité de pourvoir à cet inconvénient, la demande « un droit de visite réciproque établi par des conventions spéciales. Il est évident que lord Castlereagh et le duc de Wellington n’auraient pas employé de tels argumens, s’ils eussent considéré la vérification du pavillon des navires marchands comme autorisée par le droit des gens. Les déclarations de ces deux hommes d’état constatent suffisamment la doctrine du gouvernement britannique à cette époque.

De son côté, le gouvernement français a eu maintes fois l’occasion d’exposer sa doctrine maritime ; il l’a exposée en 1815 à Vienne, en 1818 à Aix-la-Chapelle, en 1822 à Vérone. En ces diverses circonstances, il a déclaré, dans une forme générale et absolue, qu’il n’admettait aucun droit de visite, aucune intervention, aucune police étrangère envers nos navires marchands.

En 1831, les déclarations du gouvernement français furent tout-à-fait explicites en ce qui touche la vérification du pavillon. À cette époque, l’Angleterre reproduisit, avec un redoublement d’insistance, la demande, qu’elle nous avait souvent adressée, d’établir un droit de visite réciproque. Six mois avant d’être accueillie et consacrée par la convention du 30 novembre 1831, cette demande fut repoussée par le gouvernement français. M. le maréchal Sébastiani, alors ministre des affaires étrangères, signifia ce refus dans une dépêche adressée, le 7 avril 1831, à lord Granville, ambassadeur d’Angleterre à Paris. Dans cette dépêche, M. le maréchal Sébastiani ne se borna pas à reproduire les déclarations générales qui avaient été faites précédemment ; il déclara formellement qu’à la France seule appartenait le droit de vérifier si le pavillon français était frauduleusement usurpé.