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L’importance de cette dépêche m’oblige à en citer le passage suivant :


« Le gouvernement français, dit M. le maréchal Sébastiani, a déjà fait connaître à plusieurs reprises les motifs qui ne lui permettaient pas d’adhérer à de semblables propositions. Ces considérations n’ont rien perdu de leur force ni de leur importance. L’exercice d’un droit de visite sur mer en pleine paix serait, malgré la réciprocité qu’offre l’Angleterre, essentiellement contraire à nos principes, et blesserait de la manière la plus vive l’opinion publique en France. Il pourrait en outre avoir les plus fâcheuses conséquences, en faisant naître entre les marins des deux nations des différends susceptibles de compromettre les relations qui unissent si intimement la France et l’Angleterre. Il est bien évident, monsieur l’ambassadeur, que les étrangers qui osent emprunter le pavillon français pour se livrer à un trafic que réprouvent à la fois les lois divines et humaines ne peuvent être régulièrement découverts et saisis en nier que par nos croisières ; mais il y a lieu d’espérer que les efforts constans des officiers de notre marine auront, à cet égard, tout le succès désirable. »


Je puise une nouvelle démonstration des sentimens du gouvernement français à cette époque dans le simple examen du premier traité conclu en 1831 entre l’Angleterre et la France. Il est dit expressément que les papiers des navires marchands de l’une des nations ne peuvent être examinés par les croiseurs de l’autre, avant que ces croiseurs aient produit le mandat spécial qui leur confère le droit exceptionnel de visite. Aurait-on pris cette précaution, si l’on avait cru consacrer un droit naturel et universellement reconnu ?

De la part de l’Amérique, la protestation contre le droit de visiter en pleine mer la nationalité des navires est formelle, décisive ; elle retentit encore. Les États-Unis soutiennent que le pavillon américain confère au vaisseau qui le porte une sorte d’inviolabilité, hors le cas de piraterie ; ils refusent à toute autre puissance le droit de vérifier si le pavillon américain a été frauduleusement arboré. Depuis que le gouvernement britannique a prétendu ériger en droit la pratique que lui-même avait long-temps reconnue abusive, les États-Unis n’ont pas cessé de défendre les véritables principes du droit des gens, à Londres par leurs représentans, en Amérique par les déclarations et les actes des dépositaires du pouvoir.

Ce fut le 27 août 1841, précisément la veille du jour où le cabinet whig fut renversé par 91 voix de majorité dans la chambre des communes, à la suite d’un débat qui avait occupé quatre séances consécutives, que lord Palmerston réclama, pour la première fois, au nom