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d’état en a déclaré la prise valable, et que leurs équipages ont été jugés par nos tribunaux maritimes. A l’exception de quelques faits de traite commis, il y a plusieurs années, par des navires américains et à raison desquels le gouvernement des États-Unis a pris des mesures qui en ont prévenu le retour, on peut dire que, depuis douze ans, les Portugais, les Brésiliens et les Espagnols sont les seuls qui fassent la traite.

Nos croiseurs n’ont le droit de réprimer la traite que sur les navires français, qui ne la font pas, et sur les navires des puissances avec qui nous avons conclu des traités spéciaux sur le droit de visite, telles que la Sardaigne, le Danemark, la Toscane, la Suède, Naples et les villes anséatiques, qui ne la font pas davantage. Comme nous n’avons aucun traité ni avec l’Espagne ni avec le Portugal, ni avec le Brésil, il s’ensuit que nos croiseurs ne peuvent rien pour la suppression du trafic des noirs. A quoi servira-t-il qu’un croiseur français, rencontrant un négrier, vérifie sa nationalité ? Cette vérification lui procurera le plaisir d’apprendre si le navire suspect est espagnol, portugais ou brésilien ; mais, n’ayant aucun droit de saisir ce négrier, il sera obligé de lui laisser continuer son voyage, eût-il 500 nègres à bord.

La position de l’Angleterre est toute différente. L’Angleterre est la seule puissance qui ait conclu avec l’Espagne, le Portugal et le Brésil des conventions spéciales pour la répression de la traite. En vertu de ces conventions, non-seulement elle a droit de visite et de saisie sur les navires de ces trois nations, mais elle siège, par ses commissaires, dans les tribunaux établis pour statuer sur la validité des prises faites par ses croiseurs sur les négriers portugais, espagnols et brésiliens. L’Angleterre se trouve donc par le fait la seule puissance en mesure d’exercer, pour la répression du commerce des esclaves, une action réelle et sérieuse. Un document officiel, communiqué l’année dernière au parlement, montre que, depuis l’établissement des tribunaux mixtes, 429 navires portugais, brésiliens ou espagnols ont été traduits devant eux après avoir été saisis par les croiseurs anglais, que 381 ont été condamnés et confisqués, ainsi que leurs cargaisons, et que depuis l’époque où les conventions de 1831 et 1833 ont été mises à exécution, c’est-à-dire depuis le commencement de 1834, 348 navires portugais, brésiliens ou espagnols ont été capturés par les croiseurs anglais et conduits devant les tribunaux compétens, tandis que les croiseurs français n’ont pas effectué une seule saisie.

La position des officiers de notre marine et des équipages des bâtimens de guerre que nous envoyons depuis tant d’années sur la côte d’Afrique, pour exercer un simulacre de répression, est véritablement intolérable. On les retient dans une situation inégale et