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qui couvraient de jardins, d’églises et de bâtimens immenses le plateau méridional de Paris, la classe pauvre se déplaça. Elle vint habiter le quartier Saint-Marceau et l’extrémité du faubourg Saint-Jacques, qui forment aujourd’hui le 12e arrondissement, — le plus riche de tous les arrondissemens de Paris en misères physiques et morales. Comme il existe un rapport constant entre la destination des établissemens publics et le caractère de la population qui les entoure, les deux hospices de l’accouchement et de l’allaitement suivirent alors la marche de la classe inférieure qui émigrait du centre vers un des points excentriques de la ville. À cette raison topographique ajoutons une raison morale. Par un sentiment de délicatesse, ceux qui ont institué les tours ont voulu que les hospices d’enfans trouvés fussent placés à l’écart, dans des lieux isolés, pour ne point effaroucher la pudeur qui se cache, ou ne point faire rougir la misère qui pleure. À ces maisons de mystère il faut l’ombre, la solitude et le silence.

L’alliance intime qu’on avait voulu établir entre les deux sections de l’hospice de la Maternité (celle des femmes en couche et celle des enfans trouvés) fut bientôt reconnue entachée de quelques inconvéniens. On brisa le lien financier qui les unissait : les dépenses de la maison d’accouchement furent déclarées à la charge de la ville de Paris ; celles de la maison des enfans trouvés firent au contraire partie du budget de l’état, et durent être acquittées sur le produit des centimes additionnels. A partir de ce jour, la division de l’hospice appelé la Maternité en deux établissemens bien distincts fut tout-à-fait consommée. Le nom collectif qui désignait ces deux institutions périt lui-même dans l’évènement qui les sépara. On regarda comme dérisoire d’attacher l’idée des devoirs les plus touchans et des affections les plus douces de la nature à un double établissement où les femmes renonçaient au contraire, pour la plupart, au titre de mère. Quoi qu’il en soit de ce scrupule et de la mesure administrative qui sépara la maison d’accouchement de l’asile des enfans trouvés, ces deux hospices ont continué de tenir l’un à l’autre par d’autres liens que ceux du voisinage. La maison d’accouchement, située rue de la Bourbe, fournit douze ou quinze cents enfans par an à la maison d’allaitement, placée rue d’Enfer. Il existe encore entre ces deux établissemens d’autres rapports moraux, et, quoique le sujet de nos études touche surtout ici à l’asile de l’enfance, nous aurons souvent besoin de nous transporter de l’ancienne abbaye de Port-Royal à l’ancienne institution de l’Oratoire.

Célèbre par ses malheurs, cette ancienne abbaye de Port-Royal de