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Que se passe-t-il cependant derrière ce rideau impénétrable, dans cette chambre où brille une petite lumière ? La pierre, moins dure que le cœur de la mère dénaturée, la pierre s’est ouverte, et elle a donné passage à l’enfant, qui se trouve ainsi porté dans des bras charitables. Parlons sans figures : le tour, décrivant un demi-cercle, et présentant au dehors, sur la rue, son côté vide, a reçu le nouveau-né et l’introduit dans l’hospice, en achevant son évolution. Une sœur hospitalière est là qui veille. Son premier soin est de placer le nouveau-né dans un berceau. Cet enfant du bon Dieu est toujours le bienvenu. S’il porte sur lui une médaille, un chiffre, un objet quelconque, la sœur conserve précieusement ces signes, qui peuvent servir dans la suite à le faire reconnaître. Les statistiques ne sont pas d’accord sur le sexe qui fournit le plus de victimes à l’exposition ; on a long-temps cru que c’était le sexe le plus faible ; une fille est, disait-on, un fardeau incommode et onéreux dont les parens doivent tenir à se décharger. A Paris, les résultats se balancent ; il n’y a pas plus de filles que de garçons délaissés. Il est fort difficile de déterminer la proportion des enfans naturels et celle des enfans légitimes. L’administration ne peut exercer ici son jugement que sur des indices extrêmement vagues. On a bien eu quelquefois la précaution de joindre aux langes qui l’enveloppent une déclaration de père et de mère ou quelques autres indications ; mais ces renseignemens, qui n’ont d’ailleurs pas toujours une authenticité absolue, manquent dans le plus grand nombre de cas, et la statistique en est alors réduite à conjecturer sur le silence. De 1816 à 1835, les enfans présumés légitimes figurent pour le chiffre de 6,774, contre 96,415, supposés naturels. Il n’est pas non plus sans intérêt de savoir quels sont les mois de l’année les plus chargés d’expositions : selon le témoignage du directeur de la maison, ce sont les mois d’hiver. Nous devons ajouter que Paris n’alimente pas seul l’hospice de la Maternité. Cet établissement est une sorte de dépôt central où l’on apporte des enfans de vingt lieues à la ronde. L’administration entrevoit avec inquiétude le moment où, nos grandes lignes de chemins de fer étant établies sur toute la France, la facilité des moyens de communication attirerait encore un plus grand nombre d’expositions dans Paris, et augmenterait ainsi la charge de l’hospice.

Un profond mystère entoure la maison des Enfans-Trouvés. Les registres, les règlemens, les actes officiels, tout est tenu secret. L’entrée même des bâtimens est interdite aux étrangers. Ce mystère a pour objet d’empêcher le père ou la mère qui aurait abandonné un