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à la suite de plusieurs épreuves infructueuses, l’hospice ne peut venir à bout de ces sujets rebelles, il les place dans une maison de correction, où leur caractère indomptable résiste dans plus d’un cas à tous les traitemens. On reçoit encore à la Maternité les enfans dont les père et mère ont été frappés de condamnations sévères par les tribunaux, et qui subissent leur peine dans les prisons de l’état. Tout cela ne constitue pas, comme on le pense bien, une population de choix. Outre que l’hospice fournit à cette dernière classe d’enfans les secours de la vie matérielle, il préserve leur moral d’un contact qui ne pourrait leur être que dangereux.

Enfin la maison donne aussi entrée à des orphelins pauvres. L’Asile des Orphelins a été long-temps séparé de l’hospice des Enfans-Trouvés. Nos pères, mus en cela par un double sentiment d’économie et de délicatesse, n’avaient pas voulu accorder indistinctement les secours de la charité publique aux enfans du péché et à ceux que la mort avait privés de leurs soutiens naturels. Au commencement de ce siècle, les orphelins habitaient encore une maison à eux, située rue du Faubourg-Saint-Antoine. L’administration n’a vu, de nos jours, aucun inconvénient à réunir sous le même toit ces deux misères. Les orphelins sont maintenant assimilés, dans la maison de la rue d’Enfer, aux enfans trouvés. L’état exerce, vis-à-vis des uns comme des autres, les droits et les devoirs d’une paternité transmise.

La population de l’hospice peut, on le voit, se diviser en deux classes, l’une qui demeure à la campagne, et l’autre qui réside dans l’intérieur ; cette dernière n’est jamais d’ailleurs bien stable. En voyant des enfans de tout âge passer dans les cours de la maison, un observateur superficiel pourrait croire qu’ils ont grandi sous ces bâtimens rigides et séculaires, dont les toits couverts de mousse s’élèvent parmi des clochetons et des têtes d’arbres. Il ne faut pas s’y tromper : ces enfans ne sont point les fils ni les filles de l’hospice ; cette population adolescente n’a pas été élevée dans ces murs ; elle se compose d’enfans abandonnés qui attendent leur départ pour la campagne. S’il se rencontre encore des personnes qui se figurent un hospice d’enfans trouvés comme une grande maison d’allaitement ou de sevrage, dans laquelle on nourrit et l’on soigne en commun des nouveau-nés jusqu’à l’âge adulte, ces personnes ont tort, et nous les engageons à se séparer d’une erreur dangereuse. La science n’a pas trouvé jusqu’ici d’appareil pour élever les enfans à une chaleur artificielle : non, il leur faut, à ces nouveau-nés, le sein de la femme pour les réchauffer ; il leur faut de plus une maison, un foyer domestique pour les conserver à la vie.