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toutes sont laides, communes, maussades. Ces malheureuses sont marquées d’un signe particulier ; on devine, en les voyant, qu’elles n’ont point eu de mère. La statistique prétend qu’il se rencontre une proportion très forte d’enfans trouvés dans les maisons de détention et sur les registres du bureau des mœurs. On a voulu attaquer ces chiffres ; nous serions fort étonné si de tels calculs, en rapport avec le bon sens, étaient faux. Ces garçons et ces filles n’ont point l’honneur d’une famille à conserver, point de nom héréditaire à défendre de toute souillure. Où de tels êtres prendraient-ils le sentiment de leurs devoirs ? La vertu qui, chez l’enfant élevé dans la maison paternelle, s’insinue en quelque sorte avec le souffle des personnes qui l’entourent, est souvent pour l’enfant privé de ces influences délicates un effort et une lutte au-dessus de la nature. Nous lui avons bien donné une famille ; mais cette famille artificielle, étrangère, ne lui tient point assez au cœur pour le préserver toujours des séductions du vice. A douze ans, il est mis en apprentissage ; le voilà presque son maître dans un âge où tant d’autres reçoivent encore les soins d’une surveillance attentive. L’hospice exerce bien sur lui jusqu’à la majorité le rôle de tuteur ; mais cet être de raison ne le protége que dans des circonstances tout-à-fait graves. Pour tout le reste, il est abandonné à lui-même, à son inexpérience, à sa faiblesse. Quelques moralistes ont proposé de fonder, pour les enfans trouvés qui ont atteint l’âge de douze ans, une société de patronage. Cette œuvre charitable, dont il existe déjà une légère esquisse, consisterait à choisir et à nommer pour chacun d’eux un parrain dans le monde. Nous aimerions mieux qu’on leur donnât une marraine. Les femmes ont la main plus délicate que les hommes pour toucher à ces plaies sensibles du cœur. Ce n’est pas sans raison que Vincent de Paule s’est adressé à elles : « Or sus, mesdames… » Si nous formons après lui un vœu, c’est de voir l’influence des femmes du monde, bannie presque aussitôt de l’œuvre qu’elles avaient fondée, renaître et s’étendre aujourd’hui dans certaines limites à l’amélioration du sort des enfans trouvés.

Nous avons suivi le nouveau-né depuis son entrée à l’hospice jusqu’à l’âge de sa majorité. Tel n’est point, il faut le dire, le sort de tous ceux qui entrent dans le tour. Les parens ne renoncent pas tous à l’enfant qu’ils ont glissé dans le sein de la charité publique ; on voit quelquefois de pauvres filles-mères passer à la brune, le cœur serré, passer encore devant cette grande maison fatale où elles ont laissé le triste fruit de leur déshonneur. Comme la sœur de Moïse, elles se tiennent de loin en observation, et cherchent, mais en vain, à savoir