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REVUE. — CHRONIQUE.

core bien moins aux troupes américaines, et la république perdrait non-seulement la Californie, mais toutes ses provinces du nord. De toute manière, cette crise, en interrompant les relations amicales des deux pays, ne fera qu’exalter l’ambition des États-Unis, et mettra le Mexique dans une situation pire que la situation actuelle. Quant au parti fédéraliste, que Paredes a déjà trahi dans trois occasions, il faudrait qu’il fût réduit aux derniers expédiens pour accorder encore sa confiance an général rebelle. Paredes est la personnification la plus complète du despotisme militaire ; son caractère même le porte à combattre les idées libérales. Fera-t-il tout à coup abnégation de ses principes ? Nous avons peine à le croire. Quoi qu’il en soit, la république mexicaine se trouve placée, par cette dernière révolte, entre la dictature de Santa-Anna et celle de Paredes, entre la guerre civile et la guerre étrangère, entre le démembrement et la dissolution. En présence de ces éventualités menaçantes, il est triste de penser à ceux de nos compatriotes qu’elles peuvent atteindre directement. Quelque confiance que nous ayons dans la fermeté du ministre espagnol auquel sont remis provisoirement nos intérêts, nous ne pouvons que déplorer les évènemens qui privent les Français établis au Mexique de la protection si urgente en ce moment du représentant de la France.



DE L'ENSEIGNEMENT DES LITTERATURES SLAVES.


M. Cyprien Robert, dont nos lecteurs n’ont pas oublié les travaux sur le monde slave, est chargé de suppléer M. Mickiewicz au Collège de France. Dans sa leçon d’ouverture, M. Robert a nettement indiqué le but de son cours : ce n’est point par des généralités brillantes qu’il veut conquérir son auditoire, c’est par l’attrait que les études sérieuses n’ont point encore perdu pour quelques esprits, et aussi par l’ascendant de ses propres sympathies pour la race slave, dont il a caractérisé le noble génie avec une émotion pénétrante. Le caractère même de cette leçon, accueillie par d’unanimes applaudissemens, et où des faits, des souvenirs attachans, tiennent la place d’aperçus dogmatiques, est d’un heureux augure pour la suite du cours.


I.

En paraissant au milieu de vous, messieurs, je ne puis, je ne dois pas vous dissimuler l’impression pénible dont je me sens saisi. Cette place que je viens occuper est celle d’un des écrivains les plus chéris, les plus populaires du monde slave ; beaucoup d’entre vous regrettent de ne plus entendre son éloquente parole, et seront portés à établir un parallèle sévère entre cette parole ardente et la mienne. — Je l’avoue, je n’aurais point accepté la position difficile qui m’était faite, si, en l’acceptant, je n’avais répondu aux désirs formellement exprimés par M. Mickiewicz, en même temps que j’obéissais à un instinct du cœur qui me pousse, depuis longues années, à défendre, partout où je le puis, la cause des Slaves. J’aime ces peuples, je les vois trop peu