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dans les idées de ce mauvais Juif. C’est ainsi que Voltaire suffisait à tout par une raison pénétrante, par un bon sens non moins flexible que vaste, par une sagacité divinatoire.

« L’homme est né pour le plaisir, il le sent ; il n’en faut point d’autres preuves. Il suit donc sa raison en se donnant au plaisir. » Qui a tracé ces mots ? Le janséniste Pascal. M. Bordas-Demoulin ne connaissait pas le Discours sur les passions de l’amour, et d’autres fragmens inédits jusqu’à ces derniers temps, lorsqu’il a écrit l’éloge de l’auteur des Pensées, éloge que l’Académie française a couronné en 1842. Cela explique qu’il nous ait représenté Pascal comme un homme tout d’une pièce que rien n’a jamais troublé dans sa foi et dans son dessein de donner des preuves triomphantes de la vérité de la religion chrétienne. « Pascal, dit M. Bordas-Demoulin, retrace les angoisses du doute aussi énergiquement et aussi naturellement que s’il les avait éprouvées, et la paix, le calme, le bonheur de la foi, avec les mêmes transports que s’il venait de les conquérir par des efforts incroyables. Tant il sait bien prendre et l’état où sont, et l’état où il veut voir ceux à qui il s’adresse ! » Ce que M. Bordas-Demoulin nous donne pour un effet de l’art est l’expression de la vérité même. Ces angoisses du doute, Pascal les a éprouvées ; ces efforts incroyables pour conquérir la foi, il les a faits. Il y a long-temps qu’en passant en revue quelques penseurs contemporains, nous signalions le scepticisme de Pascal, son combat pour conquérir la foi, sa douleur de n’en pas goûter tous les charmes ; nous disions que, dans certains momens, il avait l’ame peu chrétienne. Ce qui alors n’était pour nous qu’un pressentiment est devenu une certitude par les publications récentes de MM. Cousin et Faugère. Nous possédons aujourd’hui un Pascal nouveau, non plus celui que nous avaient légué les convenances et les précautions du jansénisme, mais un Pascal d’une naïve authenticité. Quand on étudie avec une attention pieuse l’édition de M. Faugère, ce fac-simile précieux des manuscrits de Pascal, on assiste aux alternatives les plus douloureuses qui aient jamais traversé le génie d’un homme. Tantôt Pascal s’efforce de donner du christianisme une démonstration rationnelle, tantôt il en désespère. Alors il se prend à dire : « Qui blâmera donc les chrétiens de ne pouvoir rendre raison de leur créance, eux qui professent une religion dont ils ne peuvent rendre raison ? » Dans un autre moment, il écrit ces lignes : « Comme on rêve souvent qu’on rêve, entassant un songe sur l’autre, il se peut aussi bien faire que cette vie n’est elle-même qu’un songe, sur lequel les autres sont entés, dont nous nous éveillons à la mort, pendant laquelle nous avons aussi