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la poésie lyrique. Son esprit et sa mémoire embrassaient tout le domaine de l’éloquence :

Omnia namque animo complexus, et omnibus auctor,
Qua fandi via lata patet, sive orsa libebat,
Aoniis vincire modis, seu vote soluta
Spargere et effreno nimbos aequare profatu.


A son école, la jeunesse apprend et la funèbre histoire de Troie, et les longues erreurs d’Ulysse, et le génie du belliqueux Homère, et les utiles préceptes d’Hésiode ; quelle loi règle les sons de la lyre de Pindare, de celle d’Ibycus et d’Alcman, de celle du fier Stésichore et de la courageuse Sappho ; elle entend expliquer les vers savans de Callimaque, les ténèbres de Lycophron, les énigmes de Sophron et les gracieux secrets de Corinne. Stace le père est de plus un poète et un poète lauréat. Callimaque, Apollonius, d’autres encore, avaient uni cette double palme de la science et du talent poétique. Le premier, que l’on ne connaît guère aujourd’hui que par ses hymnes, avait laissé des commentaires, des tablettes de chronologie littéraire ; c’est le père de la bibliographie. Apollonius aussi quittait le rôle de commentateur et de bibliothécaire pour écrire les Argonautiques, et il donnait de son propre poème une seconde édition, la seule des deux qui soit parvenue jusqu’à nous. Mais les devoirs seuls du grammairien suffisaient à une vie tout entière, même à une vie ambitieuse de gloire. Il n’y a rien d’exagéré dans cet éloge que la douleur arrache au fils du professeur napolitain. On y pourrait même ajouter quelques lignes pour achever le portrait idéal d’un grammairien critique. Stace n’a pas dit (sans doute il craignait de déparer ses vers par de tels détails) que l’examen et la correction des manuscrits comptaient aussi parmi ses fonctions, qu’il devait savoir à fond la géographie, l’histoire et la mythologie, pour expliquer les vieux auteurs, pour décider à l’occasion sur l’authenticité d’un ouvrage suspect. Voilà une véritable encyclopédie. C’est, en vérité, le trivium et le quadrivium du moyen-âge, augmentés de tout ce que le moyen-âge avait perdu de la science classique. Avant l’école d’Alexandrie, la Grèce n’avait ni histoire littéraire, ni dictionnaires de sa vieille langue ou de ses divers dialectes, ni grammaire méthodique ; tout cela fut l’œuvre des alexandrins, œuvre qui mérite d’honorer leurs noms auprès de la postérité. Toute littérature largement développée a eu ses écoles de grammairiens et de critiques. Henri Estienne, Casaubon, Gabriel Naudé, Vaugelas, sont les alexandrins de notre littérature. Tel savant du Musée, comme