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sa foi ; il ne marie point au nom de la foi catholique celui de qui ne sortira pas une famille nouvelle pour le catholicisme ; il est dans son droit. Dépositaire indigne de l’autorité civile, le souverain ne l’a pas crue par elle-même assez respectable pour garantir l’état des personnes ; il l’a fondue comme autrefois dans l’autorité sacerdotale ; il a laissé aux mêmes mains l’acte ou le contrat, qui est d’ordre public, et le sacrement, qui est d’ordre mystique. Sur l’ordre mystique repose donc la société tout entière : on a prétendu rendre ainsi ses lois plus saintes et ses chefs plus vénérés ; mais ainsi, d’autre part, l’ordre public est détruit du moment où le prêtre ne le couvrira plus de sa bénédiction. Or, le souverain peut-il forcer le prêtre à bénir ? Ce n’est pas ce que lui demande l’esprit du siècle, ce n’est pas ce qu’on lui doit. Il faut seulement que la famille puisse subsister en sa simple qualité de famille humaine ; il faut qu’elle soit d’abord maintenue pour tous par la consécration solennelle de la raison laïque, sauf à la conscience de chacun de se préoccuper du soin de la consécration religieuse ; il faut un état civil indépendant et distinct de l’état spirituel. Cette institution de l’état civil, c’est aujourd’hui le vœu universel en Allemagne. Je dirais mal avec quelle intelligente vivacité je l’entendais exprimer à Fribourg. Mais, quand on reconnaît l’émancipation du citoyen par rapport à l’église, d’un mot on proclame l’égalité des cultes et l’admission de toutes les sectes aux mêmes droits ; d’un mot le pouvoir change de caractère et de principe ; c’est un premier pas, un grand pas de fait dans les voies de la révolution. Aussi, les princes ne se soucient guère de s’engager sur un terrain si glissant. Le gouvernement badois s’en tiendrait volontiers, pour toute doctrine en matière de mariage mixte, aux articles du traité de Westphalie, qui rangeaient les fils dans la communion du père, les filles dans celle de la mère. Il préférerait cet accommodement usé à des innovations trop fécondes en conséquences. Il invoque même auprès du clergé les canons de Trente, qui déclarent valide toute union contractée en présence du prêtre, le prêtre se fût-il abstenu de la bénir. Il se contenterait de cette assistance muette et forcée. Inutile modération ! le clergé repousse l’insignifiance d’un pareil rôle ; les libéraux méprisent une si pauvre comédie, et saisissent toutes les occasions d’arriver à la jouissance sérieuse d’une des garanties essentielles de la société moderne ; ils réclament la séparation de l’église et de l’état. C’est pour cela que les affaires des nouveaux catholiques, si chétifs que fussent après tout leurs mérites, ont dernièrement provoqué tant d’émotion dans les chambres badoises.