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précise des localités décrites[1] par Mohammed-el-Tounsy ; seulement on sait qu’il faut environ cinquante jours de marche pour le traverser dans sa longueur, du nord au sud, depuis la frontière du côté de Mazroub jusqu’aux limites du pays de Fertyt, et quinze pour le parcourir dans sa largeur, c’est-à-dire de l’est à l’ouest, depuis le Kordofâl, dont il est séparé par un grand territoire qu’occupent des tribus arabes, jusqu’au pays de Ouadây. Comment estimer le nombre des habitans avec quelque exactitude dans une contrée si peu explorée encore ? Nous avons vu plus haut que l’armée seule s’élève à 50,000 hommes, et cependant des géographes instruits la réduisent à 2,000 soldats ; quelques documens fixent à 200,000 ames le chiffre de la population, tandis que, selon d’autres, il serait plus juste de le porter au-delà de quatre millions. Faut-il comprendre sous une même dénomination et considérer comme un seul peuple les peuplades répandues dans les provinces adjointes, les tribus errantes qui ne reconnaissent pas toujours la domination du sultan ? La nature même des races qui habitent le Dârfour rend un dénombrement fort difficile, et cette variété d’individus n’est que le résultat de la diversité des pays. Les monts Marrah, subdivisés en une foule de chaînes secondaires, servent de retraites à des peuples pasteurs qui élèvent une immense quantité de bestiaux et surtout de vaches. Le superflu du lait, qu’il faut répandre pour s’en débarrasser, forme dans ces riches pâturages de véritables ruisseaux. Au-dessus de ces riantes vallées s’élèvent des rocs inaccessibles creusés de cavernes que le sultan utilise à sa façon il en fait des prisons d’état, dont quelques-unes sont spécialement destinées aux princes du sang. Çà et là de grandes et épaisses forêts couvrent le pays ; ailleurs on trouve le désert de sable, et plus loin le sel fossile. Des Arabes parcourent ces grands espaces avec leurs chameaux ; par leurs pérégrinations incessantes, ils établissent un courant de relations entre les divers peuples disséminés dans le Soudan. Les indigènes s’occupent plus spécialement de la culture du coton, des plantes tinctoriales, et de certains arbres à fruits inconnus en Égypte. Dans cette vaste étendue de pays, que des pluies régulières fertilisent chaque année, combien de richesses végétales se produiraient sous la main d’un cultivateur intelligent ! Que de minéraux renferment sans doute ces montagnes, placées au centre même des lieux les plus peuplés, et dont l’ignorance des habitans ne tire aucun parti !

  1. A l’exception de la ville de Kôbeyh, que Browne a placée par les 14 degrés 11 minutes de longitude nord et les 28 degrés 8 minutes de longitude à l’est de Greenwich.