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chroniqueur royaliste, sir John Brampton, dont la société camdenienne a publié les notes[1] :

« A notre retour, dit-il, près de Huntingdon, entre cette ville et Cambridge, quelques mousquetaires s’élancent hors des blés, et nous ordonnent d’arrêter, nous disant qu’il fallait que nous fussions fouillés, et qu’à cet effet il nous fallait aller devant M. Cromwell, pour lui rendre compte d’où nous venions et où nous allions. Je demandai où se trouvait M. Cromwell. Un soldat me répondit qu’il était à quatre milles de là. Je répliquai qu’il n’était pas raisonnable de nous emmener loin de notre chemin ; que, si M. Cromwell avait été là, je lui aurais volontiers donné toutes les satisfactions qu’il aurait pu désirer ; puis, plongeant ma main dans ma poche, je remis douze pence à l’un d’eux, qui nous dit que nous pouvions passer. Je vis clairement par là qu’il n’aurait pas été possible à mon père d’aller avec sa voiture trouver le roi à York. »

Cromwell, en 1641, avant même que les citoyens protestans aient le pressentiment de la lutte dans laquelle ils vont entrer, est donc chef militaire de son comté, en révolte ouverte, et arrête les royalistes sur les grands chemins. Cette prévision jointe à l’audace donne la victoire. Le 14 septembre, on retrouve Cromwell capitaine du « soixante-septième escadron, » ou troupe de cavalerie, sous le comte d’Essex ; on ne s’en étonne pas plus que de voir au même moment son fils aîné cornette du « huitième escadron ; » il s’engage corps et biens, famille et avenir, dans le combat populaire. Devenu membre de l’association puritaine formée pour assurer dans les cinq comtés de l’est (Norfolk, Lincoln, Essex, Cambridge et Herts) l’autorité parlementaire, il ne se fait pas faute de visiter les châteaux, d’enlever les armes cachées, d’imposer silence et terreur. Ses procédés, en cas de résistance ou même de suspicion, n’étaient point clémens, comme l’atteste la lettre suivante, adressée à « son bon ami » Robert Barnard, habitant de Saint-Yves, homme riche, juge de paix et mauvais protestant. Le style en est dur et à peine anglais, même pour l’époque et pour un bourgeois ; on voit que Cromwell, s’il avait beaucoup médité la Bible, avait peu profité de son année d’études à Cambridge, et qu’il s’inquiétait fort de réussir, très peu de bien écrire :


A mon bon ami Robert Barnard, écuyer, présentez cette lettre.

« Huntingdon, 23 janvier 1642.

« MONSIEUR BARNARD,

« Il est très vrai que mon lieutenant et quelques autres soldats de ma troupe ont été à votre maison. J’ai pris la liberté de vous faire demander

  1. Camden Society, 1845. (Brampton’s Autobiog., p. 86.)