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à gauche ! en avant, marche ! etc., » se décompose en acrostiches, et un verset, soit de la Bible, soit des psaumes, se trouve attaché à chacune des lettres qui composent ce commandement. Ainsi, après le commandement : demi-tour à gauche, tous les soldats répètent en exécutant le mouvement :

D-onnez-nous notre pain quotidien…
E-t pardonnez-nous nos offenses…
M-arie, pleine de graces…
I-rrité, le Seigneur frappa Sodome…

T-on frère Abel, qu’en as-tu fait ?…
O-h ! vous m’avez précipité dans l’abîme !…
U-n enfant d’Abraham dans le désert…
R-achel pleurait et ne voulait pas se consoler, etc.

Les fantassins continuaient à répéter ces phrases bibliques privées de sens, « mais qui, dit Lazare Howard, étaient un exercice spirituel fort utile, » jusqu’à ce que le chef, par un nouveau commandement, les mît sur une piste nouvelle.

Ces singulières absurdités, encouragées par les ministres calvinistes, qui avaient pris les armes en dépit de leur ministère de paix, étaient sérieusement approuvées par Cromwell. Le fameux prédicateur Hugues Peters, officier de cavalerie, disait fréquemment, dans le cours de cette guerre, « que les saints devaient toujours avoir les louanges de Dieu dans la bouche et l’épée à deux tranchans dans les mains. Lorsque Essex, nommé général des troupes parlementaires, quitta Londres, il pria l’assemblée des théologiens d’ordonner un jeûne pour son succès. Baillie nous apprend comment ce jeûne fut célébré.

« Nous passâmes, dit-il, notre temps depuis neuf heures jusqu’à cinq fort agréablement. Après que le docteur Twiss eut fait une courte prière, M. Marshall pria longuement pendant deux heures, attaquant on ne peut plus divinement les péchés des membres de l’assemblée par un discours admirable, pathétique et sage. M. Arrowsmith prêcha ensuite pendant une heure, puis on chanta un psaume. M. Henderson ouvrit alors une conférence touchante sur l’enthousiasme qui manquait à l’assemblée, les autres fautes auxquelles il fallait remédier, et sur la nécessité de prêcher contre toute sorte de sectes, spécialement contre les anabaptistes et les antinomiens. Le docteur Twiss finit par une courte prière et une bénédiction : Dieu nous assista vraiment dans tout cet exercice militaire, qui dura huit heures, et nous devons en attendre une miséricorde signalée. »