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de Jésus-Christ de bonne heure ! cela seul mérite notre étude. Je vous en supplie, voyez-le. – J’espère que vous acquitterez de mon devoir et de votre amitié. Vous voyez comme je suis occupé. J’ai besoin de pitié. Je sais ce que je ressens en mon cœur. Une haute situation, un haut emploi dans le monde, ne méritent pas qu’on les cherche ; je n’aurais pas de consolation dans les miennes, si mon espoir n’était pas dans la présence du Seigneur. Je n’ai pas ambitionné ces choses ; véritablement j’y ait été appelé par le Seigneur ; c’est pourquoi je ne suis pas dépourvu de quelque assurance qu’il donnera à son pauvre ver de terre, à son faible serviteur, la force de faire sa volonté, et d’atteindre le seul but pour lequel je suis né. En cela, je demande vos prières. Je vous prie de me rappeler à l’amitié de ma chère sœur, à notre fils et à notre fille, à ma cousine Anna, et je suis toujours

« Votre très affectionné frère,

« OLIVIER CROWELL. »


Pourquoi cet aveu du néant de l’homme dans la grandeur serait-il taxé d’hypocrisie ? Tous les grands hommes, depuis Salomon jusqu’à Bonaparte, n’ont-ils pas exprimé le même sentiment ? Tartufe ou non, Cromwell tient à son armée un discours fort militaire : « Soyez doublement, triplement actifs et vigilans : nous avons bien de l’ouvrage sur les bras ! » Un de ses colonels, Hodgson, de l’Yorshire, s’est donné la peine d’écrire ce discours, et de nous apprendre que ce fut « un grand plaisir pour le général de voir dans une halte un de ses soldats porter à ses lèvres un tonneau plein de lait caillé à la mode écossaise, et soulever le tonneau de manière à ce que l’un de ses camarades l’en coiffât ; alors on ne vit plus le soldat du tout, la crème entra dans ses bottes, son accoutrement militaire en ruissela, et sa tête fut perdue au fond du tonneau. Olivier riait à se tenir les côtes, car notre Olivier aime une bonne farce. » Le lendemain de cette niaiserie, il écrit le bulletin suivant :


Au très honorable le lord-président du conseil d’état, cette lettre.

« Musselburgh, 30 juillet 1650.

« MILORD,

« Nous sommes partis de Berwick lundi, le 22 juillet, et nous avons couché dans la maison de milord Mordington lundi, mardi et mercredi. Jeudi, nous nous sommes dirigés sur Copperspath ; vendredi, nous sommes allés à Dunbar, où nous avons reçu quelques vivres de nos vaisseaux ; de là, nous avons marché sur Haddington.

« Le dimanche, apprenant que l’armée écossaise avait l’intention de nous combattre à Gladsmoor, nous nous efforçâmes de nous rendre maîtres de la position des marais avant eux, et nous battîmes le tambour de très grand matin ; mais, quand nous y arrivâmes, aucune partie considérable de leur