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l’un de l’autre. Vienne l’instant de la reproduction, et, comme le palmier pousse sa fleur, de même l’annélide produira des parties nouvelles qui s’ajouteront à ses anciens organes et revêtiront seules les caractères essentiels des deux sexes. Ainsi l’arbre et l’animal sont également neutres jusqu’à une certaine époque. Plus tard, chez le premier, le sexe se montre dans la fleur ; chez le second, dans l’individu secondaire : celui-ci peut donc être considéré comme une véritable fleur animale venue sur l’individu primitif.

Poursuivons ce curieux parallèle, et voyons à quel mode de reproduction, observé dans le règne végétal, pourra se comparer celui que nous avons vu exister chez quelques méduses.

Tous nos lecteurs connaissent l’agaric de couche, ce champignon que l’industrie est parvenue à multiplier en si grande abondance pour satisfaire aux besoins de la cuisine parisienne. Ce qui sert à nos repas n’est pas le végétal tout entier ; ce n’est en quelque sorte que la fleur d’une production assez singulière que l’on désigne en botanique sous le nom de mycelium. Cette production se compose d’un grand nombre de filamens très fins, formant une espèce de feutrage sur lequel se développe à certaines époques la partie charnue vulgairement connue sous le nom de champignon. Or, un mycelium d’agaric isolé ressemble beaucoup à d’autres productions végétales, à ces moisissures qui naissent sur le bois pourri, dans des lieux humides et obscurs. Néanmoins les botanistes, voyant celles-ci se propager sans changer de forme, les ont depuis long-temps partagées en groupes particuliers dont un porte le nom de mucédinées. Eh bien ! M. Dutrochet, un des savans qui ont su le mieux arriver à de grands résultats par l’observation des petits phénomènes, reconnut, il y a peu d’années, que sous l’influence de certaines circonstances une mucédinée bien caractérisée pouvait donner naissance à un agaric, fait aussi singulier au premier abord que si l’on voyait un chêne pousser sur une ronce.

Ici la ressemblance avec ce que nous avons vu se passer chez les méduses est vraiment merveilleuse. Des lames disposées sous le chapeau de l’agaric tombe une spore ou corps reproducteur, de même que chez les méduses l’ovaire placé sous l’ombrelle laisse s’échapper un œuf qui se change en larve ciliée. Cette larve se fixe et produit un polypier, comme la spore, en se développant, donne naissance à un mycelium. Soumis à certaines conditions, celui-ci conservera cette forme première et poussera seulement des rameaux plus ou moins nombreux, de même que le polypier enfantera des polypes. Tous deux pourront d’ailleurs se reproduire sous cette forme par bourgeons