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REVUE DES DEUX MONDES.

Négligemment vêtus de vestes de satin,
Causant d’amour, dansant, ou jouant de la viole.

Oh ! les charmans tableaux ! Que ces gens sont heureux !
Comme leur vie est calme, et comme ils n’ont d’affaire
Que les rians propos, la musique, les jeux,
Le loisir sans scrupule et l’amour sans mystère !



ORSO.


« Cette chanson sauvage et cette voix lointaine,
Ma chère, c’est Orso qui revient dans la plaine,
Orso qui m’a vue hier et me verra demain ;
Suivant de la montagne une dernière pente,
Il guide lestement son troupeau lourd, et chante
Parmi les pieds pesans des bœufs sur le chemin.

« Quand il passe le soir, la belle paysanne
Qui vient de récolter ses blés mûrs et qui vanne,
Pour mieux le voir passer, pour mieux ouïr son chant,
Monte sur les degrés écornés de sa porte,
Et dit qu’il est plus beau le soir, et qu’il emporte
Dans ses cheveux dorés un rayon du couchant.
« S’il voulait, il n’aurait qu’à choisir, car les filles
Suspendent la moisson et posent leurs faucilles
Lorsque leur mère entame un récit merveilleux
Des gobelets d’argent qu’il gagna dans les joûtes,
Des rencontres qu’il eut vers le soir sur les routes,
Et des seigneurs auxquels il fit baisser les yeux.

« Mais le pâtre a le cœur plus haut que sa fortune ;
Et sans s’inquiéter s’il est aimé d’aucune,