Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/754

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne décide rien sur ce qu’on peut attendre d’elle en des conditions plus musicales ; mais l’auteur du Camp de Silésie passe pour un fin connaisseur en pareille matière ; rarement son coup d’œil le trompe, et lorsque, d’aventure, il se montre satisfait d’avance, nous préserve le ciel de chercher à le contredire le moins du monde ! Nous savons trop bien ce que l’on risque à jouer un tel jeu, et que la moindre susceptibilité provoquée chez lui en pareil cas peut nous coûter un chef-d’œuvre. Si les justes espérances que M. Meyerbeer fonde sur le jeune ensemble de l’Opéra-Comique se réalisent, tout porte à croire qu’avant peu ce théâtre recevra de nouveaux gages de la bonne volonté du grand maître. Nous savons, en effet, que M. de Saint-Georges s’occupe activement d’un ouvrage en deux actes destiné à venir après le Camp de Silésie. Cet ouvrage a pour lui ce point d’originalité, que divers fragmens inédits de Weber y doivent trouver place au milieu des compositions de l’auteur des Huguenots. Déjà plusieurs fois l’Allemagne s’est émue à l’idée de cette collaboration intéressante, et M. Meyerbeer, à son dernier voyage à Paris, a décidé que l’Opéra-Comique en aurait les prémices.

Heureux théâtre ! tout lui réussit : hier encore quel succès n’ont pas obtenu les Mousquetaires de la Reine ! C’est aussi qu’il y a là un ensemble charmant. Ensemble d’opéra-comique, dira-t-on ; petites voix et petits chanteurs ! Ne sourions pas trop, et défions-nous de ces préventions traditionnelles que des esprits malencontreux se font une gloire d’entretenir. La Stratonice et le Joseph de Méhul, la Médée de Cherubini, le Zampa d’Hérold, sont des opéras-comiques. Bien plus, si Beethoven et Weber eussent écrit chez nous, le Fidelio et le Freyschütz appartiendraient au répertoire de Favart. Nous ignorons ce qu’était ce théâtre aux temps mythologiques du dieu Elleviou et de la déesse Saint-Aubin ; mais ce que nous savons parfaitement, c’est qu’avec les ressources actuelles on pourrait obtenir d’excellens résultats, tant dans la reprise d’anciens chefs-d’œuvre que dans la mise en scène d’opéras nouveaux, et nous n’en voulons d’autre preuve que la façon toute remarquable dont on a exécuté naguère la Dame Blanche. Il y a là de la jeunesse et de l’émulation ; laissez venir Meyerbeer, et vous verrez. En attendant, les Mousquetaires réussissent au souhait de tout le monde. La pièce, disons-le d’abord, a du mouvement, de la variété, de l’intérêt. Rarement l’auteur des poèmes de l’Ambassadrice et de l’Éclair fut mieux inspiré. C’est spirituel, amusant et de bon goût. On reprochera, sans doute, au sujet de reproduire çà et là divers motifs et divers personnages des Huguenots, entre autres le bonhomme Marcel et son jeune maître Raoul, dont le capitaine Roland et son mélancolique Olivier nous offrent une assez scrupuleuse ressemblance ; mais, dans un opéra-comique, de pareils détails peuvent se pardonner, d’autant plus facilement qu’ils ne nuisent en rien à l’intérêt général de l’action, et d’ailleurs le fonds anecdotique de l’ouvrage amenait peut-être nécessairement la reproduction de certains types. On connaît l’aventure de cette noble personne qui, voyant son amant sur le point