Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/770

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’exercice. Il n’est guère de bon employé allemand qui n’ait un peu de l’étoffe d’un bon caporal. Maintenant que le pays change pour ainsi dire de tempérament, je ne sais trop s’il s’accommodera bien du régime auquel le mettaient ses fonctionnaires ; ce qu’il y a de sûr, c’est que ce régime avait jusqu’ici comme absorbé tout le mouvement politique. Ainsi, même en Wurtemberg, dans un état constitutionnel doté de deux chambres à peu près délibérantes et d’un ministère à peu près responsable, la vie parlementaire s’est trouvée dès l’origine étouffée sous l’appareil administratif, et entre les plus notables évènemens qui se soient passés cette année au midi de l’Allemagne, il faut certes compter l’éveil très décisif d’un pays si long-temps et si lourdement oppressé. Il est arrivé là ce qui arrive toujours, ce que j’avais vu, dans d’autres sphères, à Fribourg et à Tubingue ; les idées modernes ont repris leur force et leur sincérité sous le coup même de l’excessive opposition qu’elles rencontraient : les ultramontains se croyaient maîtres partout et partout traitaient en victorieux : leur tyrannie ne sert qu’à soulever la grande question de l’état civil ; les piétistes allaient supprimer toute liberté de la pensée pour en mieux punir le libertinage : la pensée se fait plus raisonnable et plus pratique ; le gouvernement wurtembergeois entamait peu à peu sa propre charte : il ne réussit qu’à se créer des ennuis qui l’obligent maintenant à la souffrir dans sa vraie vérité. Souhaitons donc franchement le plus complet, le plus rapide triomphe à toutes les réactions ; c’est d’ordinaire le plus court chemin pour revenir au bon sens et à la justice.

La législature du Wurtemberg n’a de session régulière que de trois ans en trois ans. D’une session à l’autre, les chambres sont représentées auprès du gouvernement par une commission élue dans leur sein ; elle est composée de douze membres, dont six doivent résider constamment à Stuttgart ; encore dans les six faut-il ranger les présidens des deux chambres, choisis par le roi sur une liste de trois candidats pour chacune. Cette commission, gardant ainsi des rapports permanens avec le cabinet, soumise à toutes les influences de l’autorité centrale, trop peu nombreuse pour avoir elle-même beaucoup de crédit sur le public, devient plutôt une sorte de département ministériel qu’elle n’est une puissance indépendante ; elle entre dans le secret des affaires sans pouvoir les prendre à son compte et les produire au grand jour. Depuis 1819 jusqu’à 1833, les commissions ont humblement exercé ce demi-contrôle qui leur était laissé, sans que le pays se soucia beaucoup qu’il en fût autrement, et semblât s’apercevoir qu’il lui manquait un parlement véritable. La charte de 1819 avait tiré cette institution