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voies à suivre en cas de difficultés, la publication des statuts, les cas de dissolution, etc., ont été pendant long-temps laissés à l’arbitraire aveugle des partis. Si ces associations n’étaient pas soumises à la nécessité de se pourvoir d’une autorisation, quand elles se composent de plus de vingt personnes, elles échapperaient complètement à l’action du pouvoir. Cette autorisation même appartient à un autre ordre d’idées ; elle se rattache à la police générale et non à une intention de patronage industriel. Cependant elle oblige les sociétés à soumettre leurs statuts au ministre de l’intérieur, qui les communique aujourd’hui au département chargé des intérêts industriels et commerciaux. Les observations bienveillantes et officieuses du ministre du commerce forment la seule part de l’autorité dans la conduite de l’institution. Cette part est insuffisante et d’une efficacité accidentelle et douteuse.

Un assez grand nombre de sociétés de secours mutuels avaient néanmoins tenté de s’établir depuis le commencement de ce siècle, on évalue à 4,000 les autorisations accordées ; mais beaucoup n’ont eu qu’une existence éphémère et se sont dissoutes sans laisser de traces. Celles qui se soutiennent et prospèrent ont dû leur succès à un hasard heureux ; elles avaient rencontré des fondateurs intelligens qui leur avaient donné des statuts sages et réfléchis. Le plus souvent l’ignorance des principes accumulait les erreurs, les inconséquences, les germes de dissolution, dans des règlemens écrits par des ouvriers sur la table d’un cabaret. En arrêtant les bases par une mesure générale, une loi préviendrait la plus grande partie de ces inconvéniens. C’est le seul moyen de féconder l’institution, de l’arracher à l’anarchie qui l’a un peu décréditée, et contre laquelle l’administration lutte aujourd’hui. Les sociétés de secours mutuels assurent non-seulement à chacun de leurs membres des secours en cas de maladie ou d’infirmité, quelques-unes promettent aussi des pensions dans la vieillesse ; si elles étaient établies de manière à tenir ces promesses, je les regarderais comme les meilleures caisses de retraite des invalides de l’industrie. Elles ne pourront, toutefois, suffire d’une manière certaine à cette dernière partie de leur tâche tant qu’elles resteront isolées. Ne serait-il pas possible, sans enlever à chaque association son individualité, de grouper les chances, et, en établissant des rapports entre toutes les sociétés reconnues, de créer une vaste solidarité pour le service des retraites ?

On a proposé de fonder, sous le patronage immédiat et la garantie du gouvernement, un établissement spécial pour assurer des pensions, après un certain âge, aux ouvriers qui auraient rempli les conditions prescrites. Ce projet réunit des sympathies considérables. Deux motifs étaient de nature à lui gagner des partisans : l’un d’humanité, l’autre de politique. Au nom de l’humanité, on désire procurer des ressources à la vieillesse, si souvent abandonnée, du travailleur ; au nom de l’intérêt politique, on cherche à resserrer par un nouveau nœud les rapports que les caisses d’épargne ont déjà heureusement établis entre le gouvernement et les classes laborieuses, et à