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du mal sans remonter jusqu’aux sentimens et aux croyances. Les dérèglemens, origine de tant de misères, proviennent de la faiblesse du sens moral et de l’absence d’une éducation religieuse. Sous ce rapport, les besoins sont immenses ; ne désespérons point de les satisfaire. Il se manifeste au sein de notre société un retour évident vers les idées de l’ordre et du devoir. Le mouvement arrive jusqu’aux masses : il leur portera des moyens de réforme et un frein contre le vice. Les utopies vaines et creuses des théoriciens du bonheur tendraient à contrarier ce mouvement salutaire, à le détourner de ses voies, à le corrompre par un esprit matérialiste. L’agitation industrielle qu’ils ont essayé de provoquer est tristement marquée de cet esprit. On a négligé le bien moral, on ne s’est préoccupé que du bien-être. Quant aux partis politiques, ils ont pris à tâche d’embrouiller la question, loin de chercher à l’éclaircir. Il convenait à leurs desseins qu’elle demeurât dans le vague et les ténèbres. Aussi on les verra la délaisser de plus en plus, à mesure que le bon sens public reconnaîtra la stérilité de leur philanthropie bruyante. Les tendances des partis se concentraient d’ailleurs à peu près exclusivement, comme celles des socialistes, vers la recherche du bonheur physique. Nous comprenons d’une autre façon l’organisation du travail. Si nous désirons pour les familles ouvrières de meilleures conditions d’existence matérielle, nous ne croyons pas qu’il suffise d’en demander les moyens à des réformes économiques ; les améliorations morales en sont la garantie nécessaire. Notre régime industriel, dans les lois de discipline comme dans les institutions de protection, s’est généralement inspiré de cette double pensée, qui se révèle surtout dans les actes du gouvernement de 1830. On peut encore adresser de justes critiques à certaines parties de l’ordre existant ; mais, jugé dans son ensemble et comparé aux systèmes qui prétendent le remplacer, il est le seul qui convienne aux idées politiques de notre temps, qui respecte la dignité de l’individu et encourage son activité, tout en offrant des garanties suffisantes à la sécurité publique et à la prospérité de l’industrie nationale.


A. AUDIGANNE