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clameurs furieuses contre les papistes ; il suffisait pour cela d’ouvrir au hasard ses discours et ses dialogues. On a fait plus encore : on a recueilli dans tous les poètes de ce temps les hardis passages qui pouvaient venir en aide aux controverses présentes ; on a précieusement rassemblé tous les titres du libéral esprit qui s’éveille ; M. Hoffmann de Fallersleben, M. Margraff, ont donné des recueils bien remplis, bien composés, et dirigés nettement vers ce but. Toutes ces études sont excellentes ; cette direction est saine et salutaire ; ce qu’il y a eu de moins médiocre dans les récentes tentatives de cette poésie politique est venu de là ; les traditions des ancêtres ont servi de guides aux mieux inspirés de ces jeunes tribuns, et sauvé quelques strophes de M. Herwegh, de M. Prutz, de M. Dingelstedt. Les autres, abandonnés à eux-mêmes et à la rhétorique des gazettes, ont été reniés par la Muse.

Il y a cependant une forme particulière de cette poésie politique, dont le XVIe siècle n’offrait aucun modèle aux poètes libéraux de l’Allemagne : c’est celle qui essaie de traduire sur la scène les évènemens contemporains ; c’est ce drame hardi, cette comédie puissante et libre qui emprunte ses personnages au monde politique, afin de signaler gaiement les ruses des uns, les déceptions des autres, tout le mouvement des sociétés nouvelles. Cette comédie n’aura jamais, je le crois, comme la poésie politique elle-même, qu’une valeur très secondaire, puisqu’elle est obligée de vivre non sur les sentimens éternels de l’ame, mais sur des faits particuliers et des passions fugitives. Son succès, s’il est plus vif, sera nécessairement moins durable. Quelle qu’elle soit cependant, elle peut devoir un jour aux conditions nouvelles de la société une existence à peu près certaine et une place assez considérable dans la poésie de l’avenir. Un critique éminent, M. Gustave Planche, discutait ici même, il y a quelques années, l’importance possible de ce genre nouveau ; il analysait ses mérites et ses inconvéniens ; il indiquait les ressources que trouverait la Muse dans le spectacle de la vie publique, dans l’étude de ses ridicules et de ses misères. Cette importance ne saurait être contestée ; il est certain que c’est là, pour un ordre inférieur de poésie, une matière riche et précieuse qui attend la main de l’artiste. Mais que de difficultés dans une pareille tâche ! La première de toutes, le premier obstacle, c’est l’absence même d’une forme indiquée, d’une tradition consacrée par les maîtres. Ni le théâtre d’Eschyle ou d’Aristophane, ni le drame de Shakspeare, ne peuvent fournir au poète de salutaires exemples ; tout est à faire ici dès le premier pas.

Nos jeunes poètes de l’Allemagne, en suivant avec piété les traces de leurs aïeux, ont rencontré, au temps de la réforme, quelques essais