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ce que vous ayez accepté votre mandat, J’AI DONNÉ L’ORDRE DE METTRE FIN A VOS ENTRÉES DANS LA CHAMBRE DU PARLEMENT. »


Cette chambre aurait dû vivre cinq mois, jusqu’au 3 février, et il est probable que le protecteur avait cette date fort présente à la mémoire lorsqu’il s’avisa de la dissoudre le 22 janvier, douze jours avant le temps légal, par un de ces violens artifices dont l’effet fut toujours certain, et qui tiennent tant de place dans sa vie de chef de parti. Il reproche aux communes de lui rendre la constitution intenable et le gouvernement impossible. — « J’avais, messieurs, dit-il, de très consolantes espérances, que Dieu ferait une bénédiction de la convocation de ce parlement, et, que le Seigneur m’en soit témoin ! je désirais pouvoir mener à ce but les affaires de la nation. Cette bénédiction vers laquelle nous avons gravi si péniblement, c’était vérité, justice, paix, — et j’espérais tout améliorer. — J’ai été fait ce que je suis par votre pétition, et c’est vous qui, vous reportant à l’ancienne constitution, m’avez engagé à accepter la place de protecteur. Pas un homme vivant ne peut dire que je l’aie cherchée ! non, pas un homme, pas une femme qui foule aux pieds le sol anglais ! Mais, quand je contemplais la triste condition à laquelle échappait notre nation sortant d’une guerre intestine pour jouir d’une paix de cinq ou six années, je croyais qu’elle s’estimait heureuse. Vous vous êtes adressés à moi, vous m’avez demandé que je me chargeasse du gouvernement, fardeau trop lourd pour toute créature ; cette pétition me venait de l’assemblée qui avait alors la capacité législative, et très assurément je pensai que ceux qui avaient fait la charpente me la rendraient logeable et commode. Je puis le dire en présence de Dieu, devant qui nous sommes de pauvres fourmis rampantes, — j’aurais été heureux de vivre au coin de ma forêt, en gardant un troupeau de brebis !… » - N’est-ce pas un passage de Shakspeare, moins l’idéal de la poésie ? Ainsi, dans tous ses discours comme dans ses lettres, l’ame de Cromwell est transparente ; et si des nuages et des ténèbres y apparaissent, si l’on y voit des tristesses sombres et des obscurités pénibles, c’est précisément en cela qu’elle est naïve ; elle se montre dans son état réel et sans rien déguiser. D’ailleurs, le but et le fonds de ce discours, c’est la nécessité : « Si vous gouvernez, l’Angleterre est perdue ; car vous ne gouvernez pas. Quant à moi, que vous avez fait protecteur, je ne peux pas reculer ; je resterai où je suis, et je vous chasse. » Il le dit sans périphrases et de la manière la plus rudement éloquente : « Placé comme je suis et dans ce poste, je ne puis le quitter. Je veux qu’on