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dit un pamphlet ; » le jeune Louis XIV va les passer en revue sur la côte, ce qui est assurément la seule revue de troupes anglaises qu’il ait jamais passée. Cependant le cardinal, qui a tant soit peu peur de Cromwell et du traité, l’élude, dirige l’armée sur Montmédy et Cambrai, et néglige ou fait semblant d’oublier Dunkerque et Mardyck, sur lesquels son confédéré avait eu l’œil ouvert. La cour et Mazarin se trouvent à Péronne ; Lockhart, homme d’esprit, ambassadeur de Cromwell, et qui se trouve près de Mazarin, reçoit coup sur coup les deux véhémentes lettres que voici, écrites le même jour par le protecteur, tant ce dernier était de mauvaise humeur et résolu.


A sir William Lockhart, notre ambassadeur en France.

« Whitehall, 31 août 1657.

« MONSIEUR,

« J’ai vu votre dernière lettre à M. le secrétaire, ainsi que plusieurs autres, et, quoique je ne doute ni de votre zèle ni de votre capacité pour nous servir dans une si grande affaire, cependant je suis entièrement convaincu que le cardinal manque à la bonne foi dans l’exécution. Et ce qui vient encore augmenter notre mécontentement à cet égard, c’est la résolution que nous avions prise de notre côté de faire plutôt plus que moins que notre traité. Et quoique nous n’ayons jamais été assez simple pour croire que les Français et leurs intérêts ne faisaient qu’un avec les nôtres en toute chose, cependant, à l’égard des Espagnols, qui ont été de tout temps les ennemis les plus implacables de la France, nous ne pouvions jamais supposer, avant de faire notre traité, que, nous réglant sur de telles bases, on pût nous manquer de foi comme on l’a fait.

« Parler de nous donner des garnisons à l’intérieur pour garant de ce que l’on fera à l’avenir, parler de ce que l’on doit faire dans la campagne prochaine, ce sont des mots bons pour les enfans. S’ils veulent nous donner des garnisons, qu’ils nous donnent Calais, Dieppe et Boulogne, ce qu’ils sont, je trois, aussi disposés à faire que de tenir leur parole en nous remettant entre nos mains une des garnisons espagnoles sur les côtes ! Je crois positivement ce que je vous dis : ils ont peur que nous occupions une position de l’autre côté de la mer, fût-elle espagnole.

« Je vous prie de dire de ma part au cardinal que je pense que si la France désire conserver son terrain, et, encore mieux, en gagner sur les Espagnols, l’exécution de son traité avec nous contribuera mieux à le faire que tout ce que je connais des desseins qu’il a. — Quoique nous ne prétendions pas avoir des troupes comme celles qu’il a, cependant nous pensons qu’ayant en notre pouvoir de renforcer et d’assurer par mer son siège, et d’augmenter par mer ses forces si nous le voulons, et l’ennemi ne pouvant rien faire pour secourir la place, le meilleur moment de l’attaquer est à présent, particulièrement si nous considérons que la cavalerie française pourra ravager la