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Certes, on disait vrai ; pour ma part, je défie
Qu’on ait jamais produit rien de si colossal.
J’aperçois Babylone en cette mélodie ;
Et ne voyez-vous point dans l’andante final
Que de métaphysique et de philosophie ?
Mais c’est fait, tout cela, pour confondre Pascal !

Un air de Salomon, maestoso, sublime,
Dans le style pompeux de Bach et de Handel,
Obtint de l’assemblée un succès unanime ;
Puis, l’auteur à Mozart ayant fait un appel,
Les harpes de Sion frémirent sur l’abîme,
Et ce fut un concert à vous ravir au ciel.

Beethoven se montra durant un intermède,
Chantant le clair de lune et la sérénité
D’une nuit d’Orient voluptueuse et tiède ;
Mais quand le sorcier-roi de son sceptre enchanté
Conjura la nature, appelant à son aide
Ses légions d’Esprits dans un air agité ;

De qui ce fut le tour, faut-il qu’on vous le dise ?
Vous l’aviez deviné ; — le chantre d’Oberon
S’empara du théâtre, et soudain, ô surprise !
On vit le roi des rois causer avec la brise
Qui, messagère active aux ailes de héron,
Transmettait aux lutins la voix de Salomon. -

De cette symphonie étrange, orientale,
Effet prodigieux ! j’assistais de ma stalle
Aux évocations du sublime devin :
Les siècles à mes yeux disparaissaient soudain,
Et je voyais surgir cette ombre colossale,
D’un signe de son doigt enchaînant le destin !

Jardins de Salomon, labyrinthe féerique !
J’entendais vos concerts, vos murmures, vos bruits ;
La salamandre en feu rampait au bord des puits,
Et, sous les bois profonds dont l’opale des nuits
De son fleuve laiteux baignait la cime antique,
Les oiseaux éveillés changeaient l’air en musique.