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Sous les cèdres touffus, les palmiers odorans,
Sous les pins suant l’ambre et la térébenthine,
Rôdaient, en secouant leur clochette argentine,
Des couleuvres d’azur, hiéroglyphes vivans,
Mises là pour montrer aux regards clairvoyans
Les secrets imprimés sur leur peau serpentine. -

C’est là, loin du divan et loin de son vizir,
Qu’à l’heure où le harem s’endort dans le silence,
Le sultan exaucé dans son moindre désir,
Rassasié d’amour, de gloire et de science,
Se retire la nuit pour donner audience
Aux démons familiers qu’il lui plaît d’asservir.

Romantique à l’excès, fantasque, aérienne,
La musique à mon sens rendait on ne peut mieux
Tous les enchantemens d’une pareille scène,
Et certain tremolo sourd et mystérieux,
Imitant l’eau qui tombe au creux d’une fontaine,
Produisait un effet des plus délicieux.

Mais, pour la passion, la rêverie et l’ame,
Tout ce que j’ai cité n’était rien, sur ma foi,
Près d’un vaste duo que, vers la fin du drame,
La reine de Saba chantait avec le roi ;
Morceau tel qu’on n’en a jamais écrit, je croi,
Et dont ici je veux esquisser le programme.

Dans un adagio pittoresque, avec chœur
D’étoiles et d’oiseaux, de plus en ut mineur,
Et qui de Spinoza démontrait le système,
Salomon, sceptre en main, au front son diadème,
A sa royale hôtesse, en un discours suprême,
Exposait le néant de l’humaine grandeur.

Après un début ample et tout cosmogonique,
Dont le ton rappelait cet air monumental
Du pontife d’Isis dans la Flûte magique,
Un chant de violoncelle avec cor principal
Du solo de la reine amenait la réplique
Avec un mysticisme assez oriental.