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voulons vivre désormais loin du bruit et du monde, dans une solitude inaccessible.

LE DUC.

Traderi-dera, — nous y mettrons bon ordre ; nous n’avons pas envie de mourir d’ennui tout vifs. Nous poursuivrons Célinde jusqu’au fin fond de sa Thébaïde. — Que diable, après avoir montré à ses amis un si joli visage pétri de lis et de roses, on ne leur fait pas baiser une figure de bois de chêne étoilée de clous d’acier.

LE COMMANDEUR.

Célinde, la perle de nos soupers ! Célinde qui trempait si gaillardement ses jolies lèvres roses dans la mousse du vin de Champagne moins pétillant qu’elle !

LE MARQUIS.

Célinde qui chantait si bien les couplets au dessert, qui nous amusait tant ! Célinde, ce sourire de notre joie, cette étoile de nos folles nuits !

LE CHEVALIER.

Elle se retire du monde.

LE DUC.

Elle se fait ermite et vertueuse.

LE CHEVALIER.

C’est ignoble.

LE DUC.

C’est monstrueux.

M. DE VAUDORÉ.

Que faites-vous donc ainsi, claquemurées ? A quoi passez-vous votre temps ?

FLORINE.

Nous lisons le Contrat social, et nous étudions la philosophie.

LE COMMANDEUR.

Je gage que votre philosophie a des moustaches et des éperons.

LE MARQUIS.

Célinde est amoureuse d’un nègre ou d’un poète, pour le moins.

LE DUC.

Quelque espèce de ce genre.

LE CHEVALIER.

Fi donc ! Célinde est une fille qui a des sentimens et qui n’aime qu’en bon lieu ; c’est un caprice qui ne peut durer.

LE COMMANDEUR.

Comment allons-nous faire pour nous ruiner ?