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Vous avez vraiment un mauvais caractère. J’ai parlé sans intention… Adieu, je vais faire un tour de promenade et méditer au fond des bois sur la vraie manière de rendre les hommes heureux.


SCÈNE VI.
FLORINE, CÉLINDE.
FLORINE.

Oh ! la méchante bête que cette vilaine vache rousse ! elle a enlevé mon bonnet d’un coup de corne, et d’un coup de pied renversé le seau de lait dans l’étable. Nous n’aurons pas de crème pour le fromage, et il faudrait faire deux lieues pour s’en procurer d’autre. Vive Paris, pour avoir ce qu’on veut !

CÉLINDE, rêveuse.

Il doit y avoir opéra aujourd’hui.

FLORINE.

Oui, et la Rosimène danse le pas de madame dans les Indes galantes.

CÉLINDE.

La Rosimène… danser mon pas ! — Une créature pareille… tout au plus bonne à figurer dans l’espalier.

FLORINE.

Elle a tant intrigué, qu’elle a passé premier sujet.

CÉLINDE.

Qui t’a dit cela ?… C’est impossible.

FLORINE.

Vous savez ce jeune peintre-décorateur qui me trouvait gentille, je l’ai rencontré l’autre jour dans le bois ; il m’a proposé de faire une étude d’arbre d’après moi, et, pendant que je posais, il m’a raconté toutes les histoires des coulisses.

CÉLINDE.

’Mais elle n’est pas seulement en dehors ; elle a volé deux balustres à quelque balcon pour s’en faire des jambes.

FLORINE.

M. de Vaudoré fait des folies pour elle ; il lui a donné un hôtel dans le faubourg, une argenterie magnifique de Germain, et, l’autre jour, elle s’est montrée au Cours-la-Reine en voiture à quatre chevaux soupe de lait, avec un cocher énorme et trois laquais gigantesques par derrière. Un train de princesse du sang !