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le petit bétail était frappé dans les grands centres de consommation, et dans lequel persiste, avec une excuse moins légitime, l’administration des haras, au grand détriment de nos races chevalines.

Il n’est guère moins nécessaire d’abaisser en France le prix de la viande de boucherie que d’abaisser le prix du blé en Angleterre. La solennelle discussion qui dure encore à Londres n’a peut-être pas été sans influence sur celle à laquelle nous venons d’assister. Sir Robert Peel a fait faire à la doctrine de la liberté des échanges un pas de géant dans tout l’univers, et l’influence de ces mesures sur notre régime économique sera incalculable.

La société qui vient de se former à Bordeaux sous le coup de ces grands débats est loin d’être appelée aux destinées de l’Anti-corn-laws-league, mais le seul fait de sa constitution est symptomatique et significatif. Nous sommes loin, sans doute, d’être arrivés, comme l’Angleterre, à pouvoir affronter impunément la concurrence étrangère pour la plus grande partie des objets produits soit par l’industrie, soit par le sol français, et l’application immédiate des principes du premier lord de la trésorerie occasionnerait chez nous des perturbations auxquelles un gouvernement sensé ne saurait s’exposer ; mais, dès aujourd’hui, le principe est conquis, et la protection ne pourra plus se défendre désormais qu’à titre de régime temporaire et transitoire. Tout opposé que soit notre parlement aux doctrines de liberté industrielle et agricole, il faudra bien qu’il subisse l’influence du temps et celle des faits : lorsque l’Angleterre aura consommé sa révolution, lorsque nos lignes de fer, en se soudant aux lignes étrangères, auront fait disparaître les frontières commerciales, il faudra bien qu’une grande épreuve soit tentée, dussions-nous voir M. Grandin se faire tuer sur ses métiers, et M. Darblay mourir de douleur sur ses sacs de farine.

Il est à présumer que ces pensées seront présentes à l’esprit des deux chambres, lorsqu’elles auront à discuter le traité conclu le 11 décembre dernier avec le gouvernement belge, dans le but de maintenir les résultats politiques du traité du 16 juillet 1842. Il faut bien reconnaître en effet que si elles ne se laissent pas toucher par la pensée que la France ne saurait reculer dans la liberté lorsqu’on avance autour d’elle, et que si elles font abstraction du grand intérêt politique engagé dans cette négociation, la convention nouvelle rencontrera des résistances plus vives encore que celles qui ont accueilli le traité de 1842. Le principe fondamental de celui-ci est maintenu dans toutes ses applications. Pour les toiles belges, l’ancien droit est conservé jusqu’à concurrence d’une importation de trois millions de kilogrammes, importation qui n’a jamais été atteinte, et qui excède d’environ huit cent mille kilogrammes la moyenne des quantités introduites en France depuis trois ans. Le droit exceptionnel consenti pour les fils belges à cette époque est également conservé jusqu’à concurrence de deux millions de kilogrammes, maximum des quantités importées en France jusqu’à ce jour ; puis un droit progressif est établi au-delà de cette limite, droit gradué de telle manière qu’il maintient toujours à la Belgique une situation de faveur, puisque ce droit ne