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libres, mais en y comprenant les deux secrétaires perpétuels, l’Académie des Sciences se compose de soixante-cinq membres titulaires résidant à Paris, et divisés en onze sections, dont la première contient les géomètres, et la dernière les médecins. À chacune de ces sections, toutes de six membres, sauf la section de géographie et de navigation, qui n’en compte que trois, vient s’adjoindre une section de correspondans, composée également d’un nombre fixe de membres pris hors de Paris, dans le reste de la France ou à l’étranger. Si l’on songe, par exemple, qu’en déduisant deux géomètres français, choisis dans les départemens, il n’existe actuellement sur toute la surface du globe que quatre seuls mathématiciens qui soient correspondans de cette académie, on comprendra combien ce titre est honorable et élevé ; mais, en réfléchissant que pour toutes les branches des sciences mathématiques, physiques et naturelles, il ne peut jamais y avoir au monde que huit associés étrangers de l’Académie des Sciences de Paris, on sentira tout ce qu’il y a de glorieux dans un tel titre, que Newton et Leibnitz ont porté avec orgueil, et qui toujours a été ambitionné par les esprits supérieurs de tous les pays. Rappeler les noms de ceux qui l’ont obtenu, ce serait poser les bases de la plus éclatante biographie scientifique étrangère, et il suffira de citer Boerhaave, Haller, Franklin, Linné, Lagrange et Davy, pour prouver qu’à chaque époque l’Académie des Sciences a su se rattacher, par cette distinction, les plus beaux génies de toute l’Europe. Dans un choix si rare et si disputé, on ne croira qu’avec peine que pendant près d’un siècle une seule famille, celle des Bernoulli, ait possédé, à bon droit et sans interruption, toujours une, et souvent deux de ces places. Il est impossible de comparer aucune autre famille à cette race privilégiée de mathématiciens, mais il n’est pas inutile de comparer entre elles à ce point de vue les différentes nations de l’Europe. Pendant long-temps l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie, semblaient appelées à contribuer, dans des proportions à peu près égales, à la formation de cette illustre cohorte, à laquelle, il y a une vingtaine d’années à peine, trois italiens, Piazzi, Scarpa et Volta, appartenaient à la fois. Dans ces dernières années, cette espèce d’équilibre a cessé d’exister, et l’Allemagne s’est emparée presque sans discontinuation de toutes les places qui devenaient vacantes ; aujourd’hui elle en possède six sur huit, et les autres peuples doivent craindre que bientôt, aux noms déjà si illustres de Gauss, de Berzélius, d’OErsted, de Humboldt, de Jacobi et de De Buch, ne viennent se joindre ceux non moins célèbres de Liebig, de Mitscherlich, de Ehrenherg. Sans nous arrêter ici à rechercher la cause de ce fait, nous ne pouvons cependant nous dispenser d’engager les savans des autres nations à redoubler d’efforts pour partager des couronnes qui ne doivent pas être l’apanage exclusif de l’Allemagne.

La nomination si méritée de M. Jacobi pourrait donner lieu à d’autres considérations auxquelles nous ne nous arrêterons qu’un instant. Depuis quelque temps, les Juifs ont commencé à cultiver les sciences et les arts avec une nouvelle ardeur et un succès des plus remarquables, et ce progrès, qui est réel partout, n’est nulle part aussi bien constaté qu’en Allemagne. Au nom de M. Jacobi, qui appartient à une famille juive, on peut ajouter celui de M. Stern, habile géomètre, qui marche à Goettingue sur les traces de son illustre maître, M. Gauss, et ceux encore plus populaires des Meyerbeer et des Mendelssohn, que la culture des arts comme celle des sciences ont rendus célèbres. Nous en passons et de fort